De plus en plus d'institutions et de services publics au niveau mondial se dotent de chartes pour l'utilisation des réseaux sociaux. Ces documents didactiques informent les fonctionnaires et les employés sur la responsabilité de leur prise de parole en ligne. Moqueries, insultes, humiliations, intimidations, rumeurs et incitation à la violence font des ravages sur les réseaux sociaux. Dernière affaire en date : un certain Amir Boukli Hassen, avec comme photo de profil le sigle de Sonatrach, a appelé «les jeunes à défigurer les femmes qui ne portent pas le voile». Face à l'afflux de commentaires normalement punis par la loi, les géants du web tels Facebook ou Twitter ne sont pas toujours très réactifs. De plus en plus d'institutions et de services publics au niveau mondial se dotent de chartes pour l'utilisation des réseaux sociaux. Ces documents didactiques informent les fonctionnaires et les employés sur la responsabilité de leur prise de parole en ligne. Si ces chartes ont été retenues, c'est parce qu'il a été constaté sur les réseaux sociaux un certain nombre de dépassements : divulgation d'informations confidentielles, atteintes à l'image et à la réputation (dénigrement, diffamation, injure), notamment à l'encontre de l'entreprise ou des dirigeants, et usurpation d'identité (création de faux comptes ou de fausses pages sur les réseaux sociaux). «Il est possible pour une entreprise de déposer une plainte contre un site web qui diffuse des informations qui lui portent préjudice. Idem pour Facebook. Mais il faut savoir où il est hébergé. Toute la question est là ; s'il est en Algérie et identifié, il n'y a aucun problème, mais à l'étranger, cela reste difficile», a résumé Me Hind Benmiloud, avocate spécialisée dans la cybercriminalité, lors d'un symposium à Alger. La Gendarmerie nationale est compétente pour ce type d'infractions. Ce genre d'affaires se heurte toutefois à plusieurs contraintes : l'anonymat (difficulté d'identification de l'auteur de l'infraction), la volatilité des informations numériques (modification ou suppression rapide des preuves numériques) et le caractère transnational que revêtent souvent les comportements délictuels relevant de la cybercriminalité et ses conséquences sur la définition légale de ces comportements et leur éventuelle répression. Il faut savoir que l'utilisation d'internet permet l'accès à l'information et la parole aux citoyens plus que tout autre média. La volatilité des sites et le relatif anonymat qu'il permet donne une réelle impression de liberté. Or, internet, outil de communication et de développement des connaissances, présente de par sa virtualité et son ubiquité une autre facette, celle des risques de dérives et des cybermenaces aussi bien pour l'individu que pour tous les acteurs économiques dépendants des technologies numériques pour le développement de leur compétitivité. La face cachée des services numériques L'Algérie a depuis 2004 mis en place un système de lutte contre la cybercriminalité par la promulgation de la loi 04-15 du 10 novembre 2004 relative aux atteintes des Systèmes de traitement automatisé de données (STAD) et du lancement de programme de lutte contre la cybercriminalité et l'installation du centre de lutte et de prévention contre la cybercriminalité de la Gendarmerie nationale ainsi que la mise en place d'autres laboratoires et brigades spécialisés de la direction de la Sûreté nationale. Le Centre de prévention et de lutte contre la criminalité informatique et la cybercriminalité (CPLCIC) a traité en 2017 quelque 1000 crimes cybernétiques dans le cadre de l'assistance apportée aux unités territoriales de la Gendarmerie nationale, soit une hausse de 68% par rapport à l'année précédente, a fait savoir le commandant de la Gendarmerie nationale. Il y a aussi la loi 09-04 du 5 août 2009 relative à la prévention et à la lutte contre les infractions liées aux TIC. Contacté par El Watan, Younès Grar, observateur des évolutions des TIC en Algérie, a déclaré : «Si les TIC permettent de communiquer et échanger des messages avec facilité, certains les exploitent pour envoyer des mails de chantage ou poster des messages d'insultes sur les réseaux sociaux pensant qu'ils sont anonymes. Des investigations électroniques permettent en effet de localiser et d'identifier les contrevenants même sous un faux profil. Mais il faut déposer une plainte auprès de la Gendarmerie nationale pour lutter contre ce genre de criminalité électronique. C'est ainsi que plusieurs propriétaires de page Facebook ont été reconnus coupables et ont été condamnés.» Dans de nombreuses enquêtes, il a été possible d'identifier les contrevenants y compris dans les cybercafés à travers l'adresse IP. «Même si quelquefois, cela nécessite plusieurs investigations, car dans un cyber il y a plusieurs micros et des visiteurs qui viennent et partent. Il faut localiser le PC et qui l'utilisait à telle date. En fait, il y a des investigations électroniques et policières en même temps», explique Grar. Les cyberenquêteurs ont pour mission d'identifier une personne à partir de son adresse IP, repérer les faux profils, lutter contre la contrefaçon et les arnaques en général sur internet. Injurier quelqu'un sur le web n'est pas anodin : ceux qui s'y risquent encourent les mêmes peines que dans la «vraie vie». L'affaire devient autrement plus sérieuse lorsque le message injurieux est considéré comme public. C'est, par exemple, le cas des statuts Facebook visibles par de nombreux contacts, ou des tweets, même publiés par un profil privé, consultables par des centaines d'abonnés. Le sentiment d'impunité que peuvent ressentir certains harceleurs en ligne qui utilisent un pseudonyme plutôt que leur véritable identité, peut vite se heurter à la réalité. Lorsque la victime dépose une plainte, le parquet ouvre une enquête pour déterminer l'auteur des faits. Lorsque celui-ci est basé en Algérie, ce n'est en général pas bien difficile de l'identifier grâce à l'adresse IP qui permet de remonter jusqu'au titulaire d'une connexion internet. Le fait d'utiliser un pseudo n'est généralement pas considéré comme un facteur aggravant, car c'est une situation assez commune. Internet et les réseaux sociaux ne sont pas des zones de non-droit où la liberté d'expression, en particulier, n'y aurait aucune borne. Les contrevenants essaieront de démontrer que leurs propos relevaient de la sphère privée. Ils se retrancheront derrière leur anonymat. Aussi et surtout, ils prétendront avoir été mal compris et souligneront l'ambiguïté du message ou de l'action sur le réseau social. Il semble évident que les propos constitutifs d'injures, d'apologie du terrorisme, d'incitation à la haine raciale, de dénigrement de produits ou de services, par exemple, ne perdent pas leur caractère fautif uniquement parce qu'ils ont été proférés à l'ombre d'un nom d'emprunt ou de fantaisie. Par ailleurs, les attaques des sites laissent des traces : c'est ce qu'on appelle les «lempreintes numériques».