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La chronique : Le populisme au secours du football
Publié dans El Watan le 21 - 06 - 2018

A la faveur de cette Coupe du monde, les plateaux sportifs ont proliféré sur les chaînes privées. Au point de noyer complètement les émissions phares des médias publics consacrées à la balle ronde et aux autres disciplines. Toutes ces chaînes, à quelques exceptions près, comme les télés cuisines, se sont mises au goût de l'événement footballistique planétaire en organisant des débriefings avec comme consultants d'anciens joueurs à la réputation nationale consacrée, quand elle n'est pas parfois surfaite.
Faire un round-up télévisé sur une compétition très prisée en Algérie est en soi une initiative très louable et vraiment d'actualité, mais encore faut-il que cette entreprise médiatique sur laquelle misent beaucoup les télés privées pour se faire de l'audience soit à la hauteur des attentes.
Car le but est d'apporter, sur le déroulement d'un match et par extension sur l'aspect d'une compétition, tous les éléments d'appréciation techniques ou autres qui échappent au public et qui rendent la lecture du spectacle plus accessible, plus fluide. Peut-on dire que cette multitude de concertations organisées sur le Mondial russe a été jusque-là d'un éclairage précieux pour les téléspectateurs algériens ? Rien n'est moins sûr, et les avis exprimés par la vox populi à ce sujet sont loin d'être positifs, bien au contraire. A la quasi- unanimité, ils affirment que ces plateaux sont trop bruyants pour rien.
Des rencontres de «spécialistes» qui, dit-on, ont vite pris l'allure de séances de bavardage qui ne laissent pas grand-chose derrière et par lesquelles on pense d'abord à soigner son ego qu'à autre chose de plus fondamental. Certes, en Algérie on a la critique un peu facile et on aime tirer sur tout ce qui bouge sans souvent savoir pourquoi. Eternels insatisfaits, les Algériens trouvent toujours à redire avec parfois des pointes d'exagération qui rendent l'objectivité carrément impossible. Mais dans le cas de ces débats sur le football mondial, l'inconsistance des plateaux est tellement évidente que les critiques formulées à leur égard, dans une large mesure, ne sont pas déplacées.
L'une des raisons qui caractérisent leurs faiblesses est que ces «analystes» de circonstance — car pour la plupart animer ce genre d'émissions n'est pas leur métier — qui viennent débattre du football en ne comptant généralement que sur leur propre expérience du terrain, ont, il faut le dire, un point commun : la certitude inébranlable de leurs propos.
Ils disent connaître bien ce football pour l'avoir pratiqué à un haut niveau et c'est comme s'ils détenaient la vérité vraie, les meilleures références du monde pour pouvoir imposer à l'assistance, c'est-à-dire à nous les téléspectateurs, leurs argumentations. Comparés aux plateaux qu'il nous arrive de suive de l'autre côté de la Méditerranée, où il y a de la cohérence dans la réflexion, les nôtres souffrent beaucoup du décalage flagrant qui sépare les inhibitions personnelles érigées en expertise formelle et intransigeante dont font preuve nos intervenants, des données actuelles du football international qui a atteint une évolution structurelle, technique et organisationnelle et qui ne saurait se suffire d'approches approximatives ou de simples affirmations proférées comme des sentences.
Bien sûr que tout n'est pas mauvais dans ce registre à partir du moment où il y a déjà l'effort d'instaurer un échange d'idées, de vision et de convictions sur une compétition dont le déroulement n'est jamais conforme à l'esprit et aux préjugés que l'on se fait d'elle, mais tout n'est pas réconfortant aussi dans la mesure où le niveau d'intervention et d'évaluation reste très bas par rapport à la norme internationale. Sur ce plan, il ne faut pas viser très haut dans l'espace européen pour savoir que nos spécialistes de la balle ronde ont encore beaucoup à apprendre de leurs confrères.
Ils doivent d'abord se mesurer avec les plateaux des chaînes orientales qui ont pris une avance considérable sur nous en matière de professionnalisme. Il faut dire que dans ces contrées, la télévision est devenue non seulement une redoutable arme politique et idéologique, mais une impressionnante entreprise commerciale à la recherche constante de la performance à travers un audimat toujours ouvert à la progression. C'est pour cela que rien n'est laissé au hasard, que tout est réglé comme du papier à musique pour atteindre les objectifs.
Dans cette optique, les débats sportifs, notamment ceux consacrés au football, qui ont une audience calculée sur l'importance de l'événement, sont une source de prestige qu'il faut soigner et à laquelle il faut donner les moyens idoines pour briller.
C'est ainsi que ce sont les meilleurs commentateurs, analystes et animateurs qui gèrent ces confrontations médiatiques en invitant les noms les plus prestigieux du football international pour donner en toute humilité le change. La Télévision nationale étatique avait réussi à former, à l'époque où elle était seule dans le champ audiovisuel, de grands spécialistes du football qui, partis dans les pays du Golfe, font actuellement les beaux jours des chaînes arabes réputées. C'est dire que quand il y avait un esprit de formation, une aptitude à la rigueur professionnelle, on pouvait atteindre les sommets.
Mais force est de constater que non seulement cet esprit a quelque peu disparu de la télé publique, mais qu'il a été encore très endommagé par les télés privées, où parfois la sélection du plateau est très discutable car foncièrement complaisante. Et si on est tombé dans un tel travers, c'est sûrement parce qu'on a cédé à la facilité. Celle d'avoir une émission à moindre frais pour remplir la grille. En effet, sans vouloir blesser quiconque, rares sont les débats où l'on ressort satisfait et convaincu de l'expertise qui les a portés. Les échanges ne sont jamais posés et prennent souvent la forme de dialogues de sourds, ou d'interminables palabres qui vous compliquent la compréhension du sujet au lieu de la simplifier.
Des «célébrités» de notre football sont plus invitées pour leur popularité que pour l'efficience de leurs analyses. Parfois, ça part dans tous les sens et se termine dans un cafouillage indescriptible. Avec des compétences intellectuelles et scientifiques très limitées, autant dire que la teneur du débat ne peut pas voler très haut.
En fait, on a trop tendance chez ces chaînes privées à privilégier la communication populiste sur la rigueur professionnelle. Parfois cela donne des scènes cocasses, où on se demande si on a assisté au même match ou à l'évolution du même joueur, s'agissant des appréciations qui ont été produites par nos têtes pensantes. Par dérision, il nous arrive alors de dire que les nôtres sont vraiment très forts...


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