En attendant le prochain rendez-vous électoral qui ne s'annonce pas sous les meilleurs auspices, la question de tamazight en débat à l'APN autour du projet de loi portant création de l'académie de cette langue constitue un véritable test démocratique pour le pouvoir en place. Les déclarations d'intention n'ont pas manqué à ce sujet ces dernières années, présentant les responsables en charge des affaires du pays comme des défenseurs invétérés de l'amazighité, revendiquant même un soutien insoupçonné à cette cause en plein Printemps berbère d'Avril 1980. Incapable d'offrir des perspectives rassurantes au plan socioéconomique, le gouvernement se montre disert sur le dossier de tamazight, redoublant d'initiatives et de mesures qui prennent parfois de court ses militants les plus assidus. Tout est conçu et managé pour montrer que l'ère de la répression est révolue et que le temps est à la réhabilitation consensuelle du patrimoine culturel et d'une dimension fondamentale de l'identité nationale. Cependant, c'est au moment où l'opinion publique commence à croire à la disponibilité du pouvoir de consacrer dans les faits la reconnaissance de l'amazighité, culture et langue, que des sorties inattendues du gouvernement finissent par refroidir l'enthousiasme naissant. La forme adoptée pour présenter, mercredi à l'APN, le projet de loi sur l'Académie de langue amazighe fait renaître des doutes sur la volonté politique du pouvoir de réparer une injustice historique. Les propos ayant entouré l'introduction de ce texte de loi devant les parlementaires auront été des mises en garde tous azimuts, sous le prétexte irrévocable de «laisser place aux académiciens». C'est le ministre de l'Enseignement supérieur, suppléant les autorités politiques du pays, qui affirmera qu'«il est temps que la langue amazighe soit laissée aux académiciens et spécialistes et que les politiciens y renoncent». Sans en préciser la cible, ce coup de semonce du représentant du gouvernement trahit des survivances d'autoritarisme et les signes d'une stigmatisation persistante à l'endroit d'un mouvement culturel et politique qui s'est forgé dans la lutte contre le déni identitaire. Tout en sous-traitant avec les islamistes la question d'arrière-garde et anachronique de la transcription en caractères arabes ou en tifinagh, le pouvoir s'applique à poursuivre ses manœuvres contre les forces politiques qui militent pour asseoir un système démocratique. L'action politique a toujours été le moteur du progrès et des ruptures nécessaires pour dépasser une impasse qui plombe la vie d'un pays. Ce pouvoir qui ambitionne aujourd'hui d'éloigner les politiques de la question de tamazight est le même qui a décrété, il y a six mois, Yennayer comme fête nationale à la suite d'un mouvement de protestation engendré par le rejet d'une proposition d'amendement déposée par une députée de l'opposition. La conscience politique imprégnée de l'idéal démocratique et moderniste est née et s'est raffermie dans la lutte pour la réappropriation culturelle et identitaire. Si l'objectif du pouvoir dans sa démarche de reconnaissance formelle de tamazight n'est autre que de faire barrage au projet politique qui présente une alternative démocratique au système en place, la crise que vit le pays sera plus proche de l'exacerbation que du dénouement.