Les dirigeants européens s'appuient sur la crise qu'a causée le sauvetage mené par le navire de l'ONG d'origine française SOS Méditerranée il y a quelques jours pour mener une querelle qui ressemble à s'y méprendre à une entrée en campagne électorale. L'an prochain, les Européens seront appelés à voter pour élire la nouvelle mandature du Parlement européen. Le président français, Emmanuel Macron, l'a bien compris. En déplacement en Bretagne, loin des enjeux migratoires méditerranéens, il s'est emporté contre l'Italie, pays qui a élu en juin une majorité populiste aujourd'hui à la tête de l'Etat : «On s'habitue à tous les extrêmes dans les pays qui, depuis des années, sont pourtant pro-européens comme nous. Et sur ce sujet, nos élites économiques, politiques, journalistiques ont une responsabilité immense.» Alors que sa réaction face au désespoir des occupants de l'Aquarius a été critiquée, le chef de l'Etat français a fustigé «les donneurs de leçons» qui «m'expliquent qu'il faut accueillir tout le monde sans appréhender les fractures de la société française». Sous-entendu le rejet d'une immigration supplémentaire, signe de voix perdues lors des scrutins électoraux. Sur un satisfecit que les commentateurs ont jugé un peu hasardeux, il a estimé : «Nous n'avons pas à rougir (de) ce que nous faisons. Je veux que la France et la cohésion nationale se tiennent, que nos classes moyennes trouvent leur place. Et en même temps être à la hauteur de notre tradition d'accueil et en particulier de l'asile, ce qui ne veut pas dire tout et n'importe quoi.» Il est allé plus loin encore en montrant du doigt un pays phare de l'Union européenne, l'Italie, ce qui n'est pas vraiment dans les traditions diplomatiques : «Je vous demande de ne rien céder dans ces temps troublés que nous vivons, de votre amour pour l'Europe ; beaucoup la détestent, mais ils la détestent depuis longtemps et vous les voyez monter comme une lèpre, un peu partout en Europe, dans des pays où nous pensions que c'était impossible de la voir réapparaître. Et des amis voisins, ils disent le pire et nous nous y habituons.» Evidemment, le ministre de l'Intérieur italien, Matteo Salvini, a réagi : «Si Macron cessait d'insulter et pratiquait concrètement la générosité qui emplit sa bouche, en accueillant les milliers d'immigrants que l'Italie a accueillis ces dernières années, ce serait mieux pour tout le monde», selon l'agence de presse italienne AGI. «Nous sommes peut-être des lépreux populistes. Mais je tire les leçons de ceux qui ouvrent leurs propres ports. Accueillez des milliers de migrants, et ensuite on pourra parler». Le traitement en Afrique du nord des candidats à la migration Emmanuel Macron et Angela Merkel ont déblayé le terrain du sommet européen au sujet des entrées en Europe des migrants. Pour le Français et l'Allemande, il s'agirait de «refouler tout demandeur d'asile vers l'Etat où il a été enregistré en premier en rétablissant de fait les règles dites de Dublin». Cela empêcherait «les demandeurs d'asile enregistrés de passer d'un pays à l'autre et de garantir la rapidité (...) de la réadmission dans les Etats dans lesquels ils sont arrivés». La crise des migrants en 2015 avait fait exploser le dispositif dit des «dublinés» lorsque les migrants arrivés de toute part, conduisant l'érection de nouveaux murs dans l'Est de l'Europe. Hormis l'Allemagne qui avait ouvert ses frontières à près d'un million de réfugiés, les pays les plus touchés sont désormais ceux qui sont sur la route de migration accessible, celle qui est périlleuse : la mer. L'Italie ou la Grèce en particulier sont aux premières loges des arrivées. Et, dans une moindre mesure l'Espagne, avec parfois une fièvre comme elle a été ressentie depuis le début de l'année, avec des centaines de migrants comptabilisés, essentiellement marocains, sachant que d'autres nationalités se camouflent en prétendant être de cette nationalité. Les dirigeants de la France et de l'Allemagne, les deux principales puissances de l'Europe, souhaitent ainsi remettre sur le tapis la création de «centres» de tri en Afrique du Nord, sous contrôle de l'ONU, «afin de bloquer directement sur place la venue des migrants économiques dans les pays de transit vers l'UE, comme la Libye». Ils réclament également «un Office européen de l'asile» visant à harmoniser les pratiques et qui gérerait les «procédures d'asile aux frontières extérieures». On sent dans toutes ces mesures comme la prétention de pouvoir empêcher le flux ou de pouvoir le contrôler, ce que les spécialistes estiment être une chimère tant les phénomènes migratoires n'iront pas en se tarissant.