Dans le sillage de l'affaire des 701 kilogrammes de cocaïne saisis au port d'Oran, le limogeage du directeur général de la Sûreté nationale, aussi brutal qu'inattendu, suscite de nombreuses interrogations. D'abord parce qu'il intervient au lendemain de propos tenus par le premier «flic» du pays à propos de cette affaire de drogue sur laquelle viennent se greffer d'autres liées à des détournements de biens fonciers, de corruption de fonctionnaires et d'implications de magistrats et de hauts responsables de l'Etat et de leur parentèle. Dans la foulée de ce que beaucoup ont interprété comme un moyen ultime pour se défendre, sentant l'étau se resserrer, suite à l'implication de son chauffeur, le DGSN a laissé entendre que des dépassements ont eu lieu lors des enquêtes préliminaires, sans que l'on sache quels en sont les responsables. D'aucuns ont cru comprendre que d'autres services de sécurité étaient ainsi visés par de telles accusations. Mais c'est sans doute la petite phrase assassine : «Celui qui veut lutter contre la corruption doit être propre» qui aurait valu le limogeage à son auteur que certains croyaient voir en lui, il y a quelques mois à peine, le possible successeur de Abdelaziz Bouteflika. Des propos lourds de sens et qui semblaient s'adresser à d'autres sphères du pouvoir ou à des services qui ont diligenté jusqu'à présent les enquêtes ayant abouti à l'arrestation, le placement sous contrôle judiciaire d'une vingtaine de personnes dans le cadre de ce que certains qualifient de «Cocaïne Gate» ou «Cocaïne-politique», quatre affaires liées au blanchiment, au trafic d'influence qui s'ajoutent à celle de la cocaïne. Des fonctionnaires, des cadres des secteurs de l'Habitat, des Collectivités locales et des magistrats sont impliqués dans ce qui s'apparente à un vrai scandale d'Etat, auquel le pouvoir aurait aimé ne pas avoir à faire face à moins d'un an de l'élection présidentielle. D'autant que l'ex-DGSN n'a pas manqué, sous forme de menace sans doute, de préciser que la Sûreté nationale détenait des dossiers qu'elle entendait remettre à la justice. D'où, on suppose, l'empressement à limoger le général Hamel le plus vite possible dans la conjoncture actuelle, tant que les Algériens sont occupés pour l'instant à suivre le Mondial 2018 avant que n'arrivent les vacances estivales. Et faire ainsi d'une pierre deux coups dans ces luttes de sérail, en écartant une personnalité qui a voulu pendant un certain temps s'imposer avec l'appui de certains milieux comme un probable prétendant à la magistrature suprême. Reste à savoir si la volonté politique poussera les enquêtes judiciaires à aller jusqu'au bout dans ce énième scandale où se mêlent argent sale, affairisme véreux et politique, jusqu'à débusquer les commanditaires et les bénéficiaires de cette vaste entreprise criminelle. Ou alors s'arrêteront-elles au niveau des lampistes comme par le passé avec l'affaire Khalifa, celle de l'autoroute Est-Ouest et d'autres encore ? En attendant, c'est le peu de crédibilité des institutions, déjà fortement malmenées, qui subit encore un sérieux coup, à moins d'une année de la présidentielle de 2019.