Les éditions Dar El Hikma viennent de publier un ouvrage rendant hommage à Matoub Lounès, chanteur engagé d'expression kabyle. Matoub, un poète, une voix, un combat, du sociologue et dramaturge Smaïl Grim. Le metteur en scène et sociologue Smaïl Grim est aussi auteur. Il a signé Les plus belles pages de la poésie française, Les nouveaux contes de Grim(m) et La malédiction d'Azef. Originaire d'Azzefoun, établi en France, actuellement, Smaïl Grim est responsable de la mission Culture et santé dans le Limousin. Il est concepteur de manuels pédagogiques, didactiques et encadreur d'ateliers de vulgarisation de poésie et de théâtre. Dramaturge et comédien de théâtre amateur, il a monté de nombreuses pièces, dont celle de Kateb Yacine, Veillée auteur du cadavre encerclé. Une tragi-comédie pour une culture dans les trois langues sur toutes les rives de la Méditerranée. De front, Smaïl Grim a toujours été un admirateur, un passionné et un fan de la première heure du «Rebelle» par excellence, le poète et chanteur d'expression kabyle et le martyr de la cause et identité amazighes, Matoub Lounès. Il a été assassiné le 25 juin 1998. Et Smaïl Grim, ce féru de la poésie et de la prosodie de Matoub Lounès a déjà publié un livre sur cette légende de la chanson kabyle. L'ouvrage est intitulé Matoub, l'assoiffé d'azur, paru aux éditions Mille-Feuilles en 1999. Soit 19 ans après et à l'occasion du 20e anniversaire de l'assassinat de Matoub Lounès, Smaïl Grim récidive en lui consacrant un deuxième ouvrage, Matoub, un poète, une voix, un combat, qui vient tout juste de sortir chez les éditions Dar El Hikma. «Je pense à l'Algérie dans son ensemble, au malheur qui risque de dévaster le pays» D'emblée, Smaïl Grim avertit dans une introduction à l'endroit de l'éventuel lecteur : «Cher lecteur, avant de poursuivre cette déambulation, volontairement décousue, en tableaux éclatés à l'image de la vie réelle, dans l'univers de notre ‘‘poète-chanteur'', je tiens à préciser que cette contribution tient plus de l'honnêteté que de l'objectivité. Cet écrit sans redondance ne prétend pas faire une œuvre de spécialiste, mais seulement participer à revisiter cette œuvre riche, abondante et multiple... Oui, je suis un inconditionnel de Matoub Lounès, comme semble me le reprocher un ami d'enfance, fortement conditionné et imprégné par les stéréotypes colportés par les bien-assis de la bien-pensance... Ses ennemis, tous les ennemis de l'espoir n'en finiront pas de répandre des rumeurs d'une bassesse inouïe... Lounès n'est-il pas le seul à rendre hommage à Boudiaf, le président de la République assassiné, qui n'était pourtant pas kabyle ? Ecoutons Matoub : ‘‘Il y a encore peu de temps, je limitais mon combat à la Kabylie. Maintenant, je pense à l'Algérie dans son ensemble, au malheur qui risque de dévaster le pays. Je dois apprendre à me battre pour la société algérienne dans son ensemble''.» Matoub, un poète, une voix, un combat, de Smaïl Grim s'articule autour de plusieurs chapitres portant sur la dimension universelle de la poésie de Matoub Lounès, ses grands thèmes, son combat, son lyrisme, ses coups de cœur et coups de gueule, ses blessures, ses meurtrissures, son engagement pour la reconnaissance officielle de tamazight... «Ses chansons dénoncent la falsification de cette Histoire» Dans le chapitre «Poètes maudits ou poètes tragiques», l'auteur souligne : «Matoub Lounès restera à jamais dans l'imaginaire et la conscience collectifs. Tout comme le sont restés Federico Garcia Lorca, Max Jacob, Desnos, Victor Jara et tant d'autres qui, par la seule puissance du mot, ont forcé les coulisses du destin et violé les voies impénétrables des cieux et des dieux.» Dans le volet «Le chanteur-poète du passé, présent et futur», Smaïl Grim consigne : «Matoub est le chantre, avant tout, de la revendication berbère et de la réécriture de l'histoire des Berbères, des Algériens, des Kabyles, écrite et travestie par d'autres, dont les pouvoirs en place. Ses chansons dénoncent la falsification de cette histoire, l'instrumentalisation de la guerre de Libération à des fins de légitimation de clans de pouvoir, l'assassinat de vrais patriotes et la manipulation de l'image des martyrs pour réhabiliter les félons et les canailles...». Et dans Ainsi parlait Matoub Lounès de sa mort, l'auteur étaye avec cette citation prémonitoire : «Je préfère mourir parmi les miens et si on m'assassine, qu'on me couvre du drapeau national et que les démocrates m'enterrent dans mon village. Ce jour-là, j'entrerai définitivement dans l'éternité.»
Matoub, un poète, une voix, un combat Smaïl Grim. Editions Dar El Hikma ( juin 2018) 141 pages