Les Etats-Unis sont préoccupés par la perte de crédibilité des pays arabes « modérés ». Situation née suite au comportement troublant de l'Egypte et de l'Arabie Saoudite au lendemain de l'agression israélienne à Ghaza. Washington n'a pas bloqué la résolution du Conseil de sécurité exigeant le cessez-le-feu à Ghaza. La raison en est simple : cette résolution est née de tractations menées par le ministre saoudien des Affaires étrangères dans les coulisses de l'ONU. Les Etats-Unis voulaient maintenir « en vie » un axe stratégique pour sa politique au Moyen-Orient. Parallèlement, Le Caire lançait - ce n'est pas un hasard - « la proposition de cessez- le-feu » préparée sous la dictée de la France. Nicolas Sarkozy, qui se dit « ami d'Israël », a tout fait pour arriver à ce projet dont l'une des finalités est de tendre un piège à Hamas consistant à le présenter à l'opinion internationale comme un mouvement qui refuse le cessez-le-feu et qui veut l'affrontement. Mais le mouvement de Khaled Mechaâl a accepté de discuter avec Le Caire sur ledit plan sans céder sur rien. Les délégués du parti ont découvert, une fois arrivés en Egypte, d'autres propositions comme celle relative à « une trêve » de 15 ans. Tel-Aviv a dit oui du bout des lèvres au projet égyptien dans un esprit de « relance » du rôle de cet allié stratégique. Dans une logique similaire, la Grande-Bretagne a apporté son soutien à « l'initiative égyptienne », disant que « le groupe arabe » y était favorable sans préciser la nature de ce « groupe ». Le Caire n'a consulté ni la Ligue arabe ni ses voisins pour lancer son plan. Outre le cessez-le-feu, cette initiative appelle à cesser les tirs de roquettes sur Israël et à arrêter « la contrebande d'armes » aux frontières de Ghaza, sous-entendant un contrôle futur de l'Axe de Philadelphie. Au même moment, les USA expédient à Israël une cargaison de munitions. « Le Commandement du transport maritime militaire de la Marine américaine (MSC) dit que le navire doit transporter 325 conteneurs de 6 mètres de ce qui est décrit comme « munitions » dans deux voyages séparés depuis le port grec d'Astakos pour le port israélien d'Ashdod à la mi-janvier... », rapporte l'agence Reuters. A l'ONU, et avant l'adoption de la résolution 1860, Condoleezza Rice, qui termine un passage catastrophique au Département d'Etat, a eu un comportement curieux. Elle s'est réunie avec les ministres arabes présents à New York et a mis à l'écart Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue arabe, et le ministre qatari des Affaires étrangères. Au lieu de protester, Amr Moussa a crié victoire et qualifié la résolution 1860 de « succès de la diplomatie arabe ». Active, la diplomatie du Qatar, qui semble plus réaliste que celle d'Egypte, a réussi à convaincre plusieurs pays dont la Syrie et l'Algérie de participer au sommet arabe extraordinaire prévu à Doha le vendredi 16 janvier. Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas a, lui aussi, accepté de prendre part à cette rencontre qui va précéder un sommet économique arabe devant avoir lieu à Koweït. Il aurait été malvenu que des chefs d'Etat débattent de l'économie au moment où des bombes continuent de tomber sur les populations civiles de Ghaza. Autant dire donc que Doha a réussi à couper l'herbe sous les pieds du Caire, forcé à multiplier ses efforts pour attirer l'intérêt vers son « plan », mal perçu dans la plupart des capitales arabes. Ryadh et Le Caire qui tentent de coordonner leurs actions, sous le contrôle de Washington, pourraient ne pas être présents au sommet du Doha. Ce ne serait forcément pas une mauvaise chose puisque cela souligne que l'Arabie Saoudite et l'Egypte ont perdu l'initiative politique et qu'ils n'ont plus le consensus suffisant pour engager l'ensemble du monde arabe avec eux. Même discret, Alger soutient des initiatives dans le cadre islamique. Autrement dit, il appuie les efforts menés actuellement par la Turquie pour une éventuelle médiation aux fins d'obtenir l'arrêt des bombardements israéliens sur Ghaza. Une jonction entre les efforts de la Turquie et ceux du Qatar mettraient le plan égyptien en hors champ. Ce qui va, à terme, imposer plusieurs remises en cause sur le rôle de l'Egypte, comme le maintien du siège de la Ligue arabe au Caire.