Rome a concrètement commencé à montrer sa «différence» avec Paris, à l'occasion de la visite effectuée la semaine dernière à Tripoli par la ministre italienne de la Défense, Elisabetta Trenta. Encore un fait nouveau qui prouve que l'Italie et la France ne sont pas vraiment sur la même longueur d'onde concernant les voies et moyens de régler la crise libyenne. Plus qu'une simple mésentente, les deux pays paraissent même être de sérieux rivaux dans ce dossier. Et cette rivalité se confirme clairement à travers l'annonce, lundi, par le président du Conseil des ministres italien, Giuseppe Conte, de son projet d'organiser, l'automne prochain à Rome, une conférence internationale sur la Libye. «En accord avec le président Trump, je vais organiser une conférence sur la Libye», a annoncé Giuseppe Conte après une rencontre avec le président américain à la Maison-Blanche. «Nous voudrions aborder et discuter de toutes les questions relatives au peuple libyen, impliquant toutes les personnes concernées, les acteurs et protagonistes de l'ensemble de la Méditerranée», a précisé encore le président du Conseil italien, dont le pays compte aussi beaucoup d'intérêts en Libye. Cette conférence ne risque-t-elle pas de faire doublon avec l'initiative lancée en mai dernier par la France pour stabiliser la Libye ? «Assurément !» répondent des spécialistes du dossier, qui se disent par ailleurs persuadés que «l'idée d'une conférence internationale sur la Libye à Rome est justement destinée à court-circuiter la France dans le dossier libyen et à faire revenir les Italiens au premier plan». En réalité, Rome a concrètement commencé à montrer sa «différence» avec Paris à l'occasion de la visite effectuée la semaine dernière à Tripoli par la ministre italienne de la Défense, Elisabetta Trenta. Au cours de ce déplacement, la responsable italienne s'était, en effet, montrée contre l'idée d'organiser des élections en Libye en décembre prochain, comme souhaité par les Français : «Une accélération du processus électoral n'apporterait pas la stabilité à la Libye si elle n'est pas accompagnée de la réconciliation des Libyens et du retour à la sécurité.» Le retour américain Et pour s'imposer dans le complexe jeu libyen, Giuseppe Conte n'a donc pas hésité à aller à Washington pour demander le soutien de l'administration américaine, qui a dernièrement montré un intérêt accru pour le dossier libyen. Un intérêt qui se vérifie d'ailleurs à travers le forcing mené par Washington pour nommer, le 2 juillet dernier, l'Américaine Stéphanie Williams en qualité de représentante spéciale adjointe à Ghassan Salamé pour les affaires politiques en Libye. Un poste qui n'a jamais existé pour ses cinq prédécesseurs. Selon la presse américaine, cette nomination fait suite à l'intervention directe de Donald Trump auprès du secrétaire général de l'ONU. En Europe et notamment en France, la nomination de Stéphanie Williams a été perçue aussi comme un «retour en force des Etats-Unis dans le dossier libyen». Giuseppe Conte a trouvé à Washington ce qu'il était venu chercher, c'est-à-dire le soutien de Donald Trump. Selon l'agence Reuters qui rapporte l'information, le président du Conseil des ministres italien a d'ailleurs affirmé, après la rencontre à la Maison-Blanche, que le président américain estimait que l'Italie devait devenir «un point de référence en Europe et le principal interlocuteur sur les grandes questions qui doivent être traitées, en particulier celles liées à la Libye». «Nous allons discuter (lors de cette conférence internationale) des aspects économiques mais aussi des aspects sociaux : la nécessité de protéger les droits civils, le problème de la procédure constitutionnelle sur la promulgation et l'adoption de lois afin de permettre à la Libye, particulièrement, d'avoir des élections démocratiques dans un contexte de stabilité essentielle», a-t-il poursuivi. Autrement dit, l'Italie veut reprendre à zéro le débat sur la Libye. Et il est fort probable qu'avec le soutien de Washington, l'ONU et Ghassan Salamé suivront le mouvement. Il reste maintenant à savoir ce que pense de tout cela le président français, Emmanuel Macron, qui voit dans le dossier libyen le moyen de remporter sa première grande victoire diplomatique. Quoi qu'il en soit, tous ces agissements confirment que la Libye n'est pas encore sortie de l'auberge.