Ils étaient plus de 19 000 passagers, ce 13 août 2018, à traverser dans les deux sens le poste-frontalier terrestre de Djebel Haddada entre Om Teboul (El Kala) et Tabarka (Tunisie), le plus important du pays. Ils étaient plus nombreux, 20 000, le 15 août 2017. Depuis le 1er août 2018, ils ont été 17 000 par jour en moyenne à franchir la tranchée pare-feu qui matérialise la frontière. En juillet, cette moyenne a oscillé entre 16 000 et 19 000 passagers par jour. Elle a augmenté de 23,40% par rapport à celle de la même période de 2017. On relève 434 000 voyageurs en juillet 2018 contre 351 000 en juillet 2107, selon des sources autorisées. Les chiffres ne trompent pas, contrairement à la file de véhicules qui se forme à l'entrée des postes. En effet, plus elle est longue, souvent plusieurs kilomètres, plus il y a de monde, croit-on. Cette saison qui touche à sa fin avec l'approche de l'Aïd El Adha mardi prochain, il n'y aura pas eu, à quelques exceptions près pour des coupures de courants, de réseau ou autre inconvénient du genre, de longues files avec des conducteurs qui attendent des heures durant. La formule du passage en automobile se fait en quelques minutes. Il y a bien entendu les inévitables privilégiés qui s'arrangent toujours pour griller la file et c'est généralement les mêmes qui glissent aussi un billet de 5 ou 10 dinars tunisiens dans leur passeport au guichet tunisien. Une personne digne de foi, l'un n'empêche pas l'autre, nous a assuré qu'elle a dû se délester de 50 DT (3500 DA) pour ne pas rater un rendez-vous médical. «Il n'y a pas de corrompu sans corrupteur et on passe quand même sans glisser la pièce», nous explique un passager manifestement écœuré par le comportement de ses compatriotes. La foule aux postes frontaliers n'est pas l'indicatrice de nombre des Algériens qui n'ont que le choix de se rendre en Tunisie pour leurs vacances à l'étranger. Ils sont de plus en plus nombreux à rejoindre des destinations plus lointaines que Hammamet et Sousse, comme Mahdia, Sfax, Gabès et... Djerba. Réduction de la durée En dépit des campagnes pour les en dissuader, leur nombre ne cesse d'augmenter d'année en année. On se perd avec les chiffres donnés ici et là par les responsables tunisiens et algériens, mais on s'accorde sur une progression annuelle et régulière de 17% pour an. On attend, selon les sources, entre 2,2 et 2,7 millions de touristes algériens en 2018. En 2017, les Algériens représentaient 35% des 7 millions de touristes qui ont séjourné en Tunisie. Ils sont les premiers visiteurs devant les traditionnels Français et les Allemands auxquels se joignent aujourd'hui les Russes et les Chinois en progression. Selon les données tunisiennes, ce serait pendant les vacances d'hiver et les fêtes de fin d'années qu'ils seraient les plus nombreux. Cependant, cette période correspond à celle de la ruée à la frontière pour un bref aller-retour pour valider les 100 euros de l'allocation touristique. Des sources tunisiennes officielles indiquent que 1,25 million d'Algériens auraient déjà visité ce pays au 20 juillet dernier et seulement 20% d'entre eux se rendent dans les hôtels, la grande majorité opte pour la location de logement. Les incidents qui se sont produits, rapportés par des vacanciers pas toujours de bonne foi (voir interview de Saïd Boukhelifa), amplifiés par les réseaux sociaux, sont à mettre sur le compte de l'ignorance des procédures par des agences de voyages affairistes, mais également sur celui du comportement souvent inqualifiable de nos compatriotes. Ceci dit, il ne faut pas non plus, nous déclare un ancien cadre de l'ambassade d'Algérie à Tunis, ignorer cette tendance souvent à favoriser et privilégier le touriste européen, ce qui peut passer pour de la discrimination, mais qui relève plus des comportements individuels qu'autre chose. Les Algériens ont-ils boudé la Tunisie ? Loin de là. Ils ont plutôt réduit la durée de leur séjour. Pour des raisons financières, cela ne fait aucun doute, mais aussi à cause d'une saison estivale raccourcie par les résultats du bac et l'Aïd El Adha. En effet, les réservations dans les hôtels et le plus gros des passages aux frontières se sont effectués pour la période du 25 juillet au 15 août.