Outre la réaction immédiate du ministère de la Culture, la disparition des six toiles de maîtres dans un incendie, survenu il y a quelques jours à l'hôtel de ville de Skikda, a également suscité celle des services de la présidence de la République qui ont dépêché, hier, une commission d'enquête sur les lieux, a-t-on appris de sources sûres. Dans cette affaire, nos sources ont par ailleurs indiqué que six personnes auraient été interpellées par les enquêteurs de la Gendarmerie nationale. C'est le branle-bas de combat au siège de la mairie de Skikda, car il est question de la perte volontaire ou involontaire d'œuvres d'art d'une valeur inestimable. Curieusement, notent les mêmes sources, ces œuvres d'art prétendument ravagées par le feu avaient été citées quelques jours auparavant dans l'enquête sur le trafic international de biens culturels (lire le supplément Economie d'El Watan du 29 décembre 2008). En effet, parmi les tableaux « détruits » figurent deux œuvres du célèbre Espagnol José Ortega. Autant que Le Bassor d'Etienne Dinet et Rossi, les chefs-d'œuvre d'Ortega sont très convoités par la nouvelle bourgeoisie russe et autres collectionneurs européens. D'ailleurs, pour les acquérir, de richissimes propriétaires de maisons d'art sont prêts à « mettre le paquet ». Si le premier (Dinet) orne actuellement les murs du salon des accréditations de la présidence de la République, les deux autres, consignés depuis l'indépendance dans l'inventaire communal de la wilaya de Skikda, sont censés être bien conservés à l'hôtel de ville, de même que les toiles d'Utrillo, Font, Styka ou Raffaelli. « L'on se demande comment l'Etat, qui a toute la latitude de récupérer des biens culturels d'une aussi grande valeur, les a laissés pendant tout ce temps à l'hôtel de ville de Skikda ? », s'interroge Kamel Rahmaoui, doctorant en sciences juridiques et diplômé de l'institut italien Unidroit en droit international sur le protection des biens culturels. Des questions qui méritent d'être posées lorsqu'on sait que pour le transfert, durant les années 1970, vers El Mouradia de la toile de maître Le Bassor d'Etienne Dinet si chère au président de la République, il avait fallu une délibération spéciale des élus locaux de l'époque. Ce que consolide M. Rahmaoui lorsqu'il affirme : « Ce tableau de l'orientalisme n'avait pas échappé à l'œil connaisseur de Abdelaziz Bouteflika lorsqu'il avait accompagné le défunt président Boumediène en visite dans la wilaya de Skikda. Il se l'était fait offrir grâce à une délibération spéciale des élus de la commune d'alors. Une délibération spéciale pour le transfert d'un seul tableau, pourquoi ne pas l'avoir fait pour le reste de biens culturels dont regorge la ville de Skikda ? » Selon lui, Skikda demeure l'une des rares villes algériennes à disposer encore d'un véritable trésor artistique qui se décline en de rares statues, des tapisseries d'Aubusson, des toiles de maîtres et des vestiges. Au lendemain de l'indépendance, plus de 100 œuvres étaient jalousement gardées à l'hôtel de ville de Skikda. Combien en reste-t-il aujourd'hui ?