L'offensive du 20 août 1955 dans le Nord-Constantinois est «le véritable déclenchement de la Révolution», estime Rabah Lounici, chercheur en histoire. «Zighout Youcef a démontré ses capacités de meneur et de leader de ses troupes pour briser l'étau qui s'est resserré sur la région de l'Aurès totalement encerclée par les forces coloniales», souligne le chercheur, estimant que parmi les autres facteurs ayant poussé ce leader à organiser cette offensive, «la volonté de remonter le moral de la population qui hésitait encore à embrasser la Révolution». «L'offensive menée par les troupes de Zighout et les représailles de l'armée coloniale ont jeté la population qui hésitait encore dans les bras de l'Armée de libération nationale», résume M. Lounici. Zighout Youcef a voulu marquer à sa manière le déclenchement de la Révolution qui consistait beaucoup plus en des opérations dispersées, généralement nocturnes. Les «groupes de moudjahidine qui étaient moins nombreux comparés à ceux des Aurès ou de la Kabylie cherchaient certainement à avoir un impact sur le terrain. Pour ainsi dire, ils ont réédité le 1er Novembre en organisant des attaques simultanées, mais en plein jour, et c'était la première fois que cela s'était fait et l'impact était énorme pour toutes les troupes des moudjahidine dispersées à travers le pays», analyse l'historien. Ce dernier souligne en outre le facteur psychologique ayant pu guider Zighout : «venger» la mort de Didouche Mourad, tombé au champ d'honneur au cours d'un accrochage le 8 février 1955. «Zighout Youcef se sentait en quelque sorte responsable de la mort de Didouche Mourad, un jeune qui venait d'Alger et qui ne connaissait pas très bien cette région de l'est du pays», poursuit M. Lounici. Contre le joug colonial... En 1955, à peine dix mois après déclenchement de la Révolution, on déplore la perte du responsable du Nord-Constantinois, Didouche Mourad, qui est remplacé par Zighout Youcef. Mostefa Ben Boulaïd (responsable des Aurès) et Rabah Bitat (Alger) sont arrêtés. Le premier, en février 1955 à la frontière tuniso-libyenne, et le second, en mars 1955, à Alger, convient-il de rappeler. Cette offensive, qui s'est soldée par des centaines de morts parmi les forces de répression coloniale, a eu pour effet de donner un second souffle à la Révolution dans les maquis tout en lui apportant un premier retentissement sur le plan international, grâce à la propagande de la délégation extérieure du FLN, soulignent des historiens. La France, qui espérait taire cette Révolution, était confrontée à la voix de «ce peuple qui cherchait à se libérer du joug colonial», souligne, pour sa part, Montasser Oubetroun, journaliste, écrivain spécialisé en histoire. Le choix de la date, qui n'était pas fortuit et qui coïncidait avec l'anniversaire de la déposition du roi Mohammed V, a eu son effet sur ce qui était le projet de l'Armée de libération du Maghreb. Le 20 Août a contraint la France à négocier l'indépendance du Maroc et de la Tunisie, souligne M. Oubetroune. C'est une date qui représente un tournant décisif pour la Révolution, qui rappelle également le contexte international de la Conférence de Bandung (Indonésie) ayant permis de faire connaître le FLN en même temps que la cause algérienne et de porter celle-ci à l'Assemblée générale de l'ONU.