Le professeur Bouguedoura Nadia travaille au laboratoire de recherche sur les zones arides à l'USTHB. Spécialiste du palmier dattier, elle s'inquiète de l'arrivée du charançon rouge à nos frontières avec le Maroc En quoi la menace du charançon rouge est-elle sérieuse ? Il faut savoir que le charançon rouge est qualifié de tueur de palmiers. Il décime un grand nombre d'espèces de palmiers dont le dattier. Le problème est qu'il n'existe aucun remède préventif. Pire, s'il est repéré, la seule alternative consiste à détruire le palmier. Il peut détruire toutes les palmeraies du Sud s'il devait être introduit. Aujourd'hui, la menace est très sérieuse car le charançon rouge a été repéré à Tanger, au Maroc. Tous les pays du Bassin méditerranéen sont touchés depuis plusieurs années : la France, l'Espagne, l'Italie, la Turquie, l'Arabie saoudite, Israël et la Palestine. Le Maghreb était jusqu'à ce jour préservé mais pour combien de temps encore ? La menace est-elle aussi sérieuse que pour le bayoud ? Elle est pire que pour le bayoud qui, lui, ne s'attaque qu'aux variétés de dattiers sensibles, ce qui préserve quand même un certain patrimoine, celui des variétés résistantes. De plus, même si jusqu'à ce jour aucun remède efficace n'a pu voir le jour, il est permis de penser que la lutte génétique peut, sinon l'éradiquer, au moins le contrecarrer. Dans ce contexte, notre équipe a mis au point la technique de production de protoplastes (cellules dépourvues de paroi) à partir d'une variété résistante (takerbucht) et d'une autre sensible mais de bonne qualité dattière (Deglet Nour). Cette technique permet la fusion de ces 2 types de protoplastes en vue d'obtenir des hybrides de dattiers qui allient à la fois la qualité dattière et la résistance au bayoud. Cela a pris huit années de recherche, mais nous sommes les seuls au monde à avoir mis au point la technique chez une famille de plantes très difficiles que sont les palmiers. Il faut maintenant attendre que les plantules obtenues grandissent, donnent des fruits pour savoir si ce sont de vrais hybrides somatiques. Quelles solutions préconisez-vous ? Il faut absolument arrêter d'importer des palmiers. Puis il faut contrôler ceux déjà importés comme ceux du parc des Grands Vents. Ensuite, il faut prévoir un système d'alerte permettant de repérer un foyer et éradiquer ainsi le charançon avant qu'il ne se propage. C'est d'autant plus dommage que, grâce au PNDA, la palmeraie algérienne a rajeuni. Nous sommes passés de 9 à 17 millions de palmiers en quelques années à peine. Tous ces efforts seraient vains si le charançon venait à passer nos frontières. Il faut 10 ans pour qu'un palmier commence à donner des dattes et plus pour que la production soit conséquente… Le bayoud aussi avait passé les frontières du Maroc voilà un siècle. Ce n'est qu'aujourd'hui qu'on commence à espérer. Avec le charançon, il n'y a aucun moyen de lutte et sa propagation est extrêmement facile.