Les préparatifs pour la visite du président de la République dans la capitale de l'Est ne vont pas seulement bon train, elles prennent carrément le TG. Cela pour dire que dans leur précipitation, les responsables de la wilaya commettent des bévues incommensurables, causant un tort irréparable à l'endroit d'un site mythique déjà très mal en point. Pour inaugurer et donner le coup d'envoi à la réalisation du Transrhummel, un pont de 1,2 km de long, qui enjambe le Rhummel pour relier l'avenue Aouati Mostefa, située au cœur de la ville, au plateau du Mansourah, le Président sera convié à le faire depuis un endroit aménagé bien loin de la place réelle d'où commencera ce pont. Et pour « charmer le raïs », les autorités locales ont décidé d'ériger une stèle commémorative de ce jour inaugural qui, selon eux, sera des plus mémorables. L'ouvrage fait aujourd'hui réagir des urbanistes, architectes et acteurs de la société civile, ainsi que des membres d'associations de défense du Vieux Rocher. Ces derniers considèrent que l'aménagement prévu est une violation grave de la structure d'un site « à préserver tel quel », car exprimant, de par le panorama fabuleux qu'il offre, toute la quintessence et l'identité spécifique à cette cité millénaire. En effet, à cet endroit, un panorama exceptionnel s'ouvre pour suggérer aux regards une magnificence architecturale unique au monde, une vue imprenable qui rassemble, en un seul élan, les douloureux, mais combien beaux, escarpements du Vieux Rocher, les arcs et la sinuosité spectaculaires du pont Sidi Rached, l'ingénieuse imbrication des maisons de la médina séculaire et en arrière-plan, l'imposant monument aux Morts. La menace vient, nous dira Ahmed Benyahia, artiste issu d'une des plus grandes écoles d'art au monde et défenseur opiniâtre du patrimoine du fait que « ce panorama magique sera à jamais obstrué par un ouvrage de complaisance qui ne répond à aucune vision d'ensemble, portant gravement atteinte à l'esthétique, tant par son manque d'harmonie que par son mauvais goût et celui des matériaux choisis ». Tout en comptant informer les hauts responsables de cet énième gâchis, A. Benyahia, ajoutera : « J'espère que cette stèle disgracieuse et regrettable ne sera pas le modèle miniature du Transrhummel. » Ainsi, la mutilation de restes mémoriels, fragilisés par le manque de conscience des responsables, participe à un irrémédiable effacement d'un patrimoine et d'une identité qui, fondamentalement, appartiennent à tous les Algériens, aux générations futures, mais encore et surtout à toute l'humanité.