Silence, désengagement, blocage et appel à un changement… L'élite politique nationale affiche un désintérêt sans précédent à l'élection présidentielle. Elle rejoint sur ce plan la société, enthousiasmée beaucoup plus par la démocratie américaine et l'investiture de Barack Obama que par le sort de l'Algérie qui devra se jouer, dans deux mois, à l'occasion du scrutin présidentiel d'avril 2009. Les personnalités politiques d'envergure ne nourrissent pas de faux espoirs. Selon elles, les jeux sont faits après la révision de la Constitution, le 12 novembre 2008, et la levée de la limitation des mandats. Alors, elles boudent le scrutin. Certaines d'entre elles refusent d'animer le débat sur cette élection et d'autres lancent « de nouveaux projets de sortie de crise ». Mais, globalement, elles marquent toutes leur désapprobation contre la situation actuelle du pays. Que faire ? Dans une contribution publiée jeudi dernier par El Watan, Rachid Benyelles a prôné « le retour à une assemblée constituante », l'ancien chef de gouvernement, Ahmed Benbitour, appelle, lui, à un changement total du système. Dans une déclaration, hier à El Watan, Ahmed Benbitour a estimé que ce « changement viendra de l'extérieur ». « Personnellement, je travaille sur le changement du régime. J'ai déjà publié un article dans El Watan en mai 2007 dans lequel j'ai dit que le changement du régime, et non pas le changement des personnes, est inéluctable. Deux ans après, on se rend compte qu'effectivement le régime n'a plus aucune raison de rester et qu'il faut le changer. Ceci demandera bien sûr un travail à très long terme et une très grande mobilisation et avec de nouveaux instruments. C'est-à-dire vous ne pouvez pas changer de régime de l'intérieur (avec les instruments du régime). Ni avec les partis politiques présents, ni avec la société civile au service, ni avec l'agenda gouvernemental avec tous ces rendez-vous », explique-t-il. Il faut, a-t-il ajouté, trouver de nouvelles formules en lançant un « nouveau projet de société ». La solution proposée par Rachid Benyelles est, selon lui, « irréalisable ». Utopique ? « On ne peut pas demander au régime de se suicider. Il est mort, mais il ne se suicide pas. Le changement ne viendra pas du régime et il n'y a rien à attendre de lui. Il ne révise pas la Constitution (sauf si pour refaire le coup du 12 novembre). Donc, s'il y a un changement, il faut qu'il vienne des citoyens et par une grande mobilisation », a-t-il ajouté avant de révéler son futur projet. Un projet qu'il compte lancer après la présidentielle. Pourquoi attendre que cette échéance soit passée ? « Je n'attends rien des élections et donc je ne mobilise pas autour de cette échéance. Je mobilise après les élections », a-t-il rétorqué. Il s'agit, dit-il, d'un nouveau projet de société. Et pour mobiliser les citoyens, Benbitour compte utiliser les nouvelles technologies de l'information « qui sont des moyens efficaces pour rassembler la population autour des idées qui vont être proposées ». Avant lui, d'autres leaders politiques se sont déjà prononcés pour le boycott de la prochaine consultation populaire en appelant à la consécration de l'alternance au pouvoir. Il s'agit notamment de Saïd Sadi, président du RCD, et de l'ancien président de la République, Liamine Zeroual. Le président de l'ANR, Rédha Malek, s'est retiré carrément de la politique. Contacté hier par nos soins, l'ancien secrétaire général du FLN, Abdelahamid Mehri, affirme pour sa part que « le débat autour des élections ne l'intéresse pas ». Idem pour Mouloud Hamrouche et Hocine Aït Ahmed avec qui il a lancé, en septembre 2007, une initiative politique pour le changement. Eclipsé de la scène politique depuis plusieurs mois, Mouloud Hamrouche reste le grand absent de la scène publique. « Tant qu'on a ce régime, on n'aura qu'un seul mandat », souligne-t-il dans l'une de ces déclarations à la presse. Hocine Aït Ahmed, lui aussi, ne s'est pas exprimé sur la question de la présidentielle. Mais son parti, le FFS, tranchera bientôt et la tendance va vers le boycott de ce rendez-vous si l'on tient compte des déclarations de son premier secrétaire national, Karim Tabbou. D'autres acteurs, à l'instar de l'ex-chef de gouvernement Sid Ahmed Ghozali, en dehors de quelques sorties médiatiques, sont aux abonnés absents.