«Plus de sécurité pour plus de confiance donc plus de croissance économique et plus d'emplois. C'est cette dynamique vertueuse qu'il faut stimuler et vénérer» Béni Saf est située sur la côte, à l'ouest d'Oran, c'était avant tout un petit village créé vers 1870. Ce village, nommé par ses habitants «filadj», est bâti sur des collines hautes de plus de 100 m, entrecoupées par des ravins et des falaises façonnées, forcées par des crues d'oueds. Le littoral de Béni Saf s'étale sur plus d'un kilomètre depuis la plage de Sidi Boucif, à l'est, jusqu'à celle du Puits, à l'ouest, entrecoupée par le port, un chef-d'œuvre nommé «Al-Marina». Ce petit village, muni d'un centre minier et d'un important port de pêche, deviendra grand par la force des bras de ses hommes, qui en ont fait un pôle de croissance économique, de développement durable, et une source de richesse par la distribution de revenus dans le cadre de la petite et moyenne entreprise(PME), ainsi que sa gastronomie spécifique au poisson bénisafien et le tourisme balnéaire à travers ses très belles plages. «Le partage des expériences, des compétences de chacun et chacune favorise la croissance économique et la croissance de l'intelligence collective» Ce coin est issu de la découverte par une rencontre privilégiée d'hommes forts autour d'une ressource ou richesse comparable à celle d'El-Dorado des Amériques, d'hommes sincères, des intelligences lucides, d'esprits aventureux, mais bien riches en matière grise, des gens venant de partout sous le vocable de la colonisation française même «Franco» nous a gavés de ses doctes, avec des spécialités économiques de leur terroir. Ces hommes arrivaient jeunes ou mûrs, portant chacun son expérience, son ingéniosité, son cœur pour assister à la construction de ce nouveau «bled» par des investissements interposés importants pour le soutien de la création de la valeur ajoutée pour une vie bien meilleure. Le courage d'hommes de bien osait s'embarquer vers des terres vierges à défricher pour une autre ressource durable, tels la vigne et les orangers de «Beni Ghamane», et l'exploitation de la mine extravertie. Ayant tout à créer avec l'unique richesse de cette ressource qui pouvait leur donner le bonheur, le travail, l'argent et le plaisir de la vie, il n'est pas étonnant que de cette ressource, ce bonheur et ce plaisir aient pu surgir dans le même temps que des maisons de corons et des jardins publics, des poètes (Jean Senac) et musiciens (Bellemou), des artistes, des sportifs (Soudani) et de véritables hommes en tous genres ayant comme unique devise l'art de bien faire et de tout faire. «La résistance au changement n'est que le refus de la croissance économique» Avec un nouveau village neuf, pas de tricherie possible, car ce sont des hommes sincères honnêtes et loyaux. C'est à la vérité qu'on se heurte chaque jour, à la souffrance. Celui qui voulait une maison, au début, devait se la faire, un chalutier, c'est l'affaire du charpentier, une conserverie, c'est l'affaire de ceux qui savent investir dans le sens du bien sans aucune contrainte et dans un cadre où la bureaucratie n'existait pas encore, car la règle de l'art était la chose la plus sacrée pour qu'elle soit la mieux respectée … Les Bénisafiens travaillaient bien et dur : la mine, la pêche, la terre et la subsistance en outil de travail à assurer. Dès les premiers temps de la création du «filadj» de Béni Saf, le minerai était extrait par des paysans devenus mineurs, ensuite prolétaires, sous le contrôle de la société connue en 1870 «Mokta El Haddad». L'exploitation du minerai nécessite toute une panoplie de moyens d'extraction que la société avait mis en place, et comme cette ressource était destinée à l'exportation, il fallait construire un port pour le chargement et l'expédition du minerai ailleurs (l'Europe), mais aussi pour d'autres fonctions additionnelles, comme le commerce avec l'étranger et pour l'abri des chalutiers, un appareillage de chargement de minerai de fer de la jetée ouest, un bec métallique, installé à l'intérieur du port, a été construit aussi dans les années 30 et fut déraciné par des prédateurs aujourd'hui, pour s'emparer malhonnêtement l'équivalent en quelques milliers de dinars au détriment des vestiges historiques du patrimoine de la ville. Une station de criblage et sa passerelle voisine, installées depuis la découverte des gisements, sur le pic rocheux, face au quartier Sagla, le nom de Béni Saf avait été écrit en gros plan en acier, il a été vite abîmé sous les yeux de tout le monde, car l'entretien n'est plus une culture de notre apanage. Jadis, l'on surnommait Béni Saf «La cité minière». C'est en effet grâce à la mine qu'elle fut fondée pendant la colonisation. Il y avait tout un réseau de rails pour transporter le minerai de Sidi Safi jusqu'au port de Béni Saf. L'activité de la mine boostait une source de croissance économique formidable, l'électricité était produite sur place par la société de la mine de fer, une unité de production de glace destinée pour les besoins des produits de la pêche, … Béni Saf est devenue une ville avec un port, des plages, un splendide aquarium, une salle des fêtes très active et une douceur de vivre. La ville était principalement peuplée par des marins pêcheurs et des mineurs de fond de l'ex-compagnie Mokta al Haddid, devenue en 1962 Sonarem. Béni Saf a été édifiée grâce à une ressource naturelle de fer qui a révolutionné le monde et lui a permis de disposer d'une richesse conséquente destinée à construire toute une nouvelle ville appelée Béni Saf, selon des normes urbanistiques et une organisation administrative, économique, culturelle et sociale digne d'une ville proprement dite. Le port est venu ensuite en complément, c'était une nouvelle infrastructure maçonnée dans un but bien précis et selon une vision économique bien éclairée, basée sur une stratégie de création de richesses diverses. Béni Saf voyait l'avenir avec beaucoup d'optimisme. Le port de Béni Saf est devenu très vite un port de pêche, le plus important d'Algérie, un port peut remplir plusieurs fonctions, mais doit avant tout permettre d'abriter les navires, les bateaux et les chalutiers, en particulier pendant les opérations de chargement et de déchargement. Il facilite aussi les opérations de ravitaillement et de réparations. Il est un lieu de séjour. Le port, lieu d'un mouillage ou d'un havre consistant généralement en une rade protégée des vents dominants et des vagues par la terre, le port de Béni Saf est protégé par deux grandes digues. Il pourra être composé d'une darse ou cale sèche aujourd'hui, c'est une entreprise de levage appelée «Ballaouar» de chalutier qui fait fonction de cale sèche. Hier il y avait une société de dragage afin d'entretenir une profondeur suffisante. Le port lui-même est aménagé avec des jetées, des quais, des pontons et doit être relié à d'autres moyens de transport (routiers et même ferroviaires, etc.). La pêche est aussi une ressource à croissance durable et exponentielle, des conserveries ont vu le jour, des salaisons d'anchois se multipliaient devant une production sans cesse importante de sardines et d'anchois, une petite entreprise pour l'exportation de la farine de poisson avait comme matière première les déchets ou restes inutilisés de poissons. Il y avait des charpentiers qui construisaient des chalutiers et des petits canots, une prolifération de menuisiers ornaient les rues de la ville, des mécaniciens qui, avec le «tour», faisaient des miracles ou les pièces sont façonnées sur place, des artisans qui confectionnaient des cordes pour les amarres de chalutiers, des tanneries pour teinter les filets de pêche, des commerces de tous les produits relatifs à la pêche, enfin beaucoup de petits métiers poussaient comme des champignons pour assister l'exploitation normale du port de pêche, c'était Béni Saf, une ville économique intégrée à croissance positive et à valeur ajoutée réelle et importante.L'école des mousses donnait un essor suffisant pour assurer une main-d'œuvre de qualité, elle s'est intégrée selon l'art de l'activité du port, les amateurs de la pêche à la ligne créaient une nouvelle animation appelée «Al Gosto», façon de s'évader du poids social de la ville. Il n'y avait pas uniquement la pêche, le commerce international battait son plein sur le quai ouest du port, le vin brut issu des caves de la région, les orangers de «Beni Ghanem», les bordelaises d'anchois, tout cela ramenait beaucoup de devises au pays, beaucoup d'emplois et point de chômage, Béni Saf était riche ! Béni Saf était un exemple, un type de développement sans pareil, le budget communal était bien gâté en ressources financières par des impôts interposés pour permettre d'embellir l'urbanité de la ville de Béni Saf. Sur le littoral, Béni Saf, longtemps réputée pour ses eaux riches en poissons bleu et blanc, et ses exportations vers l'étranger d'anchois, de boîtes de sardines, de vin, d'oranges , de farine de poisson, d'alpha et de minerai de fer. Différents secteurs d'activités spécifiques à l'économie maritime génèrent un nombre très importants de salariés dans cette commune littorale par rapport au reste des autres communes du territoire algérien. En dehors du tourisme, qui devrait jouer un rôle majeur dans l'économie du littoral, l'île de Rachgoun était un lieu privilégié pour ce genre d'activités, plusieurs secteurs d'activités se détachent : la pêche et l'aquaculture, la construction et la réparation navale, la PME et les activités portuaires et de transports. Les emplois dans ces filières sont répartis de manière différente selon les départements. Par ailleurs, on peut observer sur toute la façade du littoral algérien un taux de chômage largement inférieur à la moyenne nationale. On peut également booster le dynamisme et l'importance de l'industrie nautique et des créations de diverses entreprises se rapportant à la pêche. Malheureusement, les prédateurs de l'importation empêchent toute forme d'investissement local. On notera également que la filière des énergies marines renouvelables apporte plusieurs projets de recherche et de développement. Cette évolution positive est donc à poursuivre pour conserver ces spécificités et vivacités de la façade du littoral algérien. «Si l'on n'a pas une véritable démocratie, il y a forcément une mauvaise légitimité des décisions et quand la croissance économique diminue, les risques de remise en cause de la vie sociale seront considérables» Enfin, il y a aussi la culture qui se cadence avec le contexte géographique et économique, les belles plages bénisafiennes ont attiré tous les Algériens pendant la saison des plages pour se rafraîchir, la natation est une culture sportive bénisafienne, on y faisait des concours de natation et de plongeons à partir du haut du chargeur de minerai de fer situé sur le quai ouest du port, dont la hauteur dépasse les 30 m, des amateurs pouvaient devenir des professionnels médaillés dans les arènes pour compétitions internationales, c'est aussi une ressource non négligeable pouvant donner un souffle nouveau à la stature de Béni Saf et la médaille olympique représente également une autre ressource de prestige qui magnétise beaucoup d'investissements bien rentables dans plusieurs sens économiques. Pour terminer, il est clair que les Bénisafiens savouraient bien le goût de la prospérité par la sardine, qui était ce moteur de développement et la famine n'osait pas approcher ce beau «Filadj». Malheureusement, la médiocrité et l'incompétence de nos détenteurs de décisions et de représentation ont dénaturé ce beau «Filadj» et Béni Saf est devenue un lieu propice de transit pour les «harraga» vers les coins d'ailleurs où la misère est moins dure sous des cieux où il n'existe pas de «hogra» ! Enfin, pour sauver notre «Filadj» il faut trouver des moyens pour éloigner les gens de la pauvreté, faire en sorte que la ressource humaine compétente fasse avancer la croissance économique, tel est le nouveau combat pour se ressourcer de la première culture des premiers Bénisafiens. Hier, nous étions les artisans de cette fameuse croissance économique, aujourd'hui, il nous faut de véritables hommes….. Pour restaurer ce que les «sous-hommes » ont démantelé !! Par Benallal Mohamed Ancien cadre et écrivain