Si les chiffres officiels montrent des niveaux d'inflation globalement maîtrisés, le renchérissement observé des prix sur les marchés internes reste inquiétant. Le rythme annuel de l'inflation en Algérie, soit son évolution sur une période de 12 mois jusqu'à fin août dernier, est calculé à 4,8%, selon les derniers chiffres publiés avant-hier par l'Office national des statistiques (ONS). En variation mensuelle, la tendance générale des prix à la consommation marque une légère hausse de 0,5% de juillet à août écoulés, générée surtout par un renchérissement des produits agricoles frais, dont notamment les prix des fruits qui ont grimpé de 19% en un mois, selon les précisions de l'ONS. Pour les autres catégories, qu'il s'agisse des services ou des biens alimentaires, agroalimentaires, manufacturés ou autres, l'enquête de l'office des statistiques indique globalement une tendance plutôt stable, voire même légèrement baissière durant la période considérée. Ainsi établie par le seul organe de statistiques opérant à l'échelon national, cette photographie des prix contraste toutefois à bien des égards avec la réalité observée sur les marchés internes, tant le pouvoir d'achat des ménages n'a cessé de s'éroder durant ces quelques dernières années. Aussi, si les évaluations officielles, y compris celles projetées à travers la loi de finances, assurent d'une maîtrise des niveaux d'inflation sous la barre des 5%, les tendances observées au renchérissement généralisé des prix domestiques restent à la fois réelles et inquiétantes. Alimentée tant par la dérégulation des marchés internes que par les effets palpables de l'érosion de la valeur du dinar, la menace inflationniste est du reste d'autant plus pesante qu'elle risque fort d'être aggravée à terme par des recours inconsidérés à «la planche à billets». Tel que mesurés et publiés par l'ONS, les chiffres de l'inflation «restent à des niveaux pas du tout élevés», nous explique Lies Kerrar, analyste financier et directeur du cabinet de conseil Humilis Finance. Selon lui, si l'impact du recours au financement interne non conventionnel n'est pas visible jusqu'ici, cet instrument monétaire risque néanmoins de créer à moyen terme de réelles poussées inflationnistes. Ce risque, précise-t-il, est clairement à redouter, dans le cas où les réformes structurelles et le plafonnement des dépenses budgétaires censées accompagner le financement monétaire des déficits publics ne sont pas efficacement mis en œuvre. Dans cet ordre d'idées, il convient de souligner que les dépenses publiques prévues pour l'année prochaine sont maintenues à des niveaux très élevés, avec un solde global du Trésor devant afficher un déficit à plus de 2000 milliards de dinars, selon les projections du projet de loi de finances, approuvé la semaine passée en Conseil des ministres. Un tel niveau de déficit devra bien entendu être couvert essentiellement par des recours importants au financement non conventionnel, ce qui ne manquera pas de favoriser de nouvelles poussées inflationnistes. La taille de la dépense prévue dans le projet de loi de finances est effectivement importante, «mais le financement non conventionnel devra commencer assurément à prendre un sentier dégressif, sans quoi il pourrait induire des effets défavorables sur tous les plans», nous dit l'expert en finances et ancien ministre Abderrahmane Benkhalfa. Interrogé sur le système de formation des prix domestiques et les évaluations qui en sont faites par l'ONS, notre interlocuteur explique que tel qu'affichés actuellement, les indicateurs de l'inflation sont mesurés suivant des méthodologies universelles, sur la base d'un échantillon représentatif de produits et de services consommés. Toutefois, relève-t-il, le panier de la ménagère pris en compte ne peut qu'être une moyenne de certaines consommations considérées comme importantes et n'intègre donc pas tous les biens de consommation, ni les produits subventionnés, alors que les prix de certains produits sur le marché peuvent paraître parfois bien plus élevés que ce que font ressortir les chiffres de l'inflation. En définitive, force est de souligner qu'entre le caractère hautement spéculatif des prix sur les marchés internes, la forte dépréciation du pouvoir d'achat du dinar et les effets pervers que pourrait générer à terme la «planche à billets», les risques d'une inflation incontrôlée sont sans doute loin d'être écartés.