Aujourd'hui, mercredi, cela fera 625 jours que le blogueur Merzoug Touati croupit derrière les barreaux d'une cellule à la prison de Oued Ghir, dans la périphérie de la ville de Béjaïa. Condamné en deuxième instance, le 21 juin dernier, à 7 ans de prison ferme, il attend toujours l'examen de son pourvoi en cassation par la Cour suprême, qui a été aussi saisie par un pourvoi similaire du procureur, qui avait requis la première fois la perpétuité puis la «peine maximale». Mais les militants des droits humains, qui dénoncent une atteinte grave à la liberté d'expression, réclament tout simplement la libération du détenu. Ils le feront encore le 5 octobre prochain qui sera une nouvelle occasion pour réitérer une revendication, qui a tenu en haleine non seulement la rue bougiote mais aussi une opinion élargie à d'autres régions du pays et à l'étranger. Le collectif d'associations (LADDH, AVO 88, RAJ et Amnesty International), qui appelle à un rassemblement, pour vendredi, à l'occasion de la commémoration de la journée du soulèvement populaire du 5 Octobre 1988, rappelle le cas de Merzoug Touati qui avec d'autres «renseignent sur le non-respect des droits et la nature totalitaire du pouvoir». La manifestation a pour objectifs de «rendre hommage à toutes les victimes martyres pour la démocratie et les libertés, et de relancer une dynamique citoyenne pour la réappropriation des acquis démocratiques, sociaux et des libertés fondamentales chèrement arrachés». La dynamique citoyenne autour de la cause de Merzoug Touati a connu son pic le jour du déroulement du procès en appel, au niveau du tribunal de Béjaïa, où un imposant sit-in de soutien a été tenu mais réprimé par la police. La solidarité s'est exprimée une nouvelle fois le 20 août dernier par un autre rassemblement sur le site même du Congrès de la Soummam à Ifri. Par la date et le lieu de sa tenue, cette action, organisée par le comité pour la libération du blogueur, a revêtu une forte symbolique. Le comité avait envisagé un retour à la rue en lançant l'idée d'une «marche des libertés» pour maintenir en mémoire ce énième cas d'emprisonnement et réclamer la libération des détenus d'opinion qui croupissent dans les geôles du pays. Les animateurs de ce comité préparent l'action qui pourrait coïncider avec une autre date symbolique qu'est le 1er novembre prochain. «Au-delà de Merzoug Touati, il est important qu'on n'oublie pas qu'il y a des détenus d'opinion dans notre pays», s'accordent à dire des militants des droits humains. Tout dans le dossier de Merzoug Touati renseigne, en effet, sur le cas d'un blogueur qui a exprimé une opinion, sur la loi de finances contre laquelle il avait appelé à manifester pacifiquement. Tours de vis La justice l'a aussi condamné pour l'interview orale qu'il a réalisée avec un diplomate israélien. Pour dénoncer cette injustice, Merzoug Touati a, plusieurs fois, fait grève de la faim au fond de sa cellule. Au lendemain du dernier verdict, il l'a encore fait avec une autre grève de la faim qui a duré 38 jours, avant de la suspendre suite à des appels incessants de sa famille, de ses avocats et des militants des droits humains. Mardi dernier, sa mère lui a rendu visite et, pour la première fois depuis 52 mois de détention, elle a pu serrer son fils dans ses bras. On l'y a autorisée après une demande qui a attendu le OK deux mois durant. «Il est toujours frustré et révolté qu'on le maintienne en détention», nous dit Me Salah Dabouz, un de ses avocats qui lui a rendu visite le 16 septembre dernier. «Les grèves lui ont laissé beaucoup de séquelles et il n'écarte pas la possibilité d'y recourir encore», témoigne l'avocat. Me Salah Dabouz avait saisi, pour rappel, trois instances onusiennes sur le cas de Merzoug Touati et ceux d'autres détenus, concernant la détention arbitraire, l'atteinte à la liberté d'expression et le bon déroulement des procès. Ces instances resteront attentives à ce que dira la Cour suprême, estime l'avocat qui a eu un retour d'écoute pour la plainte sur les cas de détentions arbitraires. La saisine a intégré les «anomalies» qui ont marqué le dossier d'instruction de Merzoug Touati, construit exclusivement à charge et dont le secret a été violé, ainsi que son procès où on a refusé la convocation de témoins. Le blogueur n'a eu droit à un procès que plus de 16 mois après sa détention provisoire. Son cas n'a pas fini d'inquiéter l'opinion nationale que les tours de vis sur les réseaux sociaux continuent. Un autre jeune blogueur, Tebbouche Islam, 29 ans, est appelé à la barre pour dimanche prochain au tribunal de Sétif. En juillet dernier, ce blogueur a été condamné à une amende de 10 000 DA pour «atteinte à corps constitué et au président de la République», des chefs d'accusation pour lesquels il est une nouvelle fois poursuivi en rapport à des publications sur les réseaux sociaux. Et ce ne sont pas les seules fois où des blogueurs comparaissent pour des publications sur le Net : Abelhakim Mohandi, Chams Eddine Salemi…