Cette manifestation qui prend de l'ampleur a rendu hommage à Yamina Benguigui et Morad Aït Habbouche. Longtemps cantonné à l'expression des cinéastes marocains de la diaspora, le Festival d'Agadir « Cinéma et Migrations » s'est largement internationalisé pour sa 6e édition, marquée par un nouveau partenariat. Organisé depuis 5 ans par l'association L'initiative culturelle et la région de Sousse, le festival a intégré un partenaire de poids à travers le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger présidé par l'importante figure Driss El Yazami. L'un des temps forts de la 6e session aura été « le coup de cœur » à deux cinéastes d'origine algérienne : la réalisatrice Yamina Benguigui et le grand reporter Morad Aït Habbouche, tous deux par ailleurs parrains de ce festival qui a choisi « la migration » comme problématique. A une époque où « le concept d'immigration est devenu un thème moderne et transversal », comme l'écrit si bien l'éminent critique Nourredine Saïl qui préside aux destinées du Centre du cinéma marocain. Le Festival d'Agadir prend de l'ampleur d'autant qu'il existe à l'état de projet une extension sur l'autre rive de la Méditerranée, en l'occurrence en France où l'on compte quelque quatre millions de Maghrébins et de Franco-Maghrébins. Cette donnée sociologique explique en partie l'émergence du concept de diversité qui a pour corollaire l'irruption dans le monde de la télévision et du 7e art de réalisateurs talentueux tels Yamina Benguigui et Morad Aït Habbouche.L'un et l'autre se sont présentés à Agadir avec leurs derniers opus. Des noirs en couleur, le documentaire de Morad Aït Habbouche, a été conçu pour répondre au philosophe Alain Finkielkraut qui s'étonna un jour que l'équipe de France de football soit composée d'une majorité de « blacks ». Le résultat est on ne peut plus probant à travers la brillante épopée des Thuram, Karembeu, et autres Marius Trésor. De son côté, Yamina Benguigui a présenté avec beaucoup d'émotion, 93, mémoire d'un territoire qui, sous la forme documentaire aussi, retrace l'histoire de ce célèbre département de la Seine-Saint-Denis, sacrifié sur l'autel des intérêts mercantiles et politiciens. El Watan a eu déjà l'occasion de dire tout l'intérêt de cette œuvre au regard de l'histoire et de la mémoire des migrants notamment. L'autre bonne surprise de Yamina Benguigui, c'est la présentation en avant-première d'un téléfilm réalisé pour France 2, et qui sera diffusé à l'antenne en avril prochain. Aïcha, c'est son titre, relate les péripéties d'une jeune franco-algérienne qui veut échapper à la triste condition de ceux qu'on a rejetés de l'autre côté du périphérique, en l'occurrence à Bobigny, en Seine-Saint-Denis, comme par hasard. Traité sur le ton de la comédie à l'italienne, ce téléfilm, sans doute promis à devenir une série pérenne, égrène comme le long métrage de Benguigui, Inch'Allah dimanche ! il y a quelques années, les qualités de mise en scène d'une réalisatrice qui n'est pas seulement une très bonne documentariste. Tirant la fiction vers l'humour et la légèreté en interface avec la gravité de sa démarche documentaire, Yamina Benguigui tend à « décomplexer » la thématique de l'immigration, une tendance que l'on observe de plus en plus chez les cinéastes ou réalisateurs issus de l'immigration. C'est également le cas de sa collègue et amie Rachida Krim qui a présenté, elle aussi, un téléfilm qui passera sur France 2 au cours du second semestre 2009. Pas si simple narre avec beaucoup d'intelligence et de délicatesse le thème, désormais central dans les familles immigrées, de l'avenir personnel des enfants nés en France, en l'occurrence, ici, une jeune fille de 18 ans, Nadia, qui vit intensément les contradictions générées par la double culture, celle du pays d'origine et celle du pays de résidence des parents. Nous reviendrons bien sûr plus en détail sur ces deux œuvres de fiction au moment de leur programmation sur France 2. Le reste de la programmation s'est avéré d'un intérêt constant avec notamment Il faut sauver Saïd de Didier Grousset, ou encore Où vas-tu Moshe ? de Hassan Benjelloun qui évoque avec doigté le départ des juifs du Maroc autour des années 60 …