Le projet de réalisation de la pénétrante autoroutière qui reliera Béjaïa à l'autoroute Est-Ouest sur 100 km a accueilli, mardi dernier, la visite du quatrième wali défilant à la tête de l'exécutif de la wilaya depuis la mise en chantier de ce programme en avril 2013. A l'instar des précédents responsables, pour le nouveau wali, Ahmed Maâbed, le projet revêt une importance économique et touristique particulière d'où le choix de la destination de sa première sortie médiatisée. Lors de cette visite, le nouveau chef de l'exécutif n'a pas lésiné sur les moyens. Une cinquantaine de véhicules tout-terrain et près d'une centaine d'accompagnateurs réquisitionnés ont été de cette sortie qui a mené le cortège de Akhnak jusqu'au port de Béjaïa. En dehors des contraintes qui ont été soulevées par les entreprises de réalisation et les instructions du wali, il n'y a qu'une seule annonce qui vaille l'intérêt de la population. Le responsable de la division technique à la direction générale de l'Agence nationale des autoroutes (ANA), Mohamed Khaldi, a affirmé : «La section qui démarre du point kilométrique 32 (pk32) au niveau de Sidi Aïch jusqu'au pk22 (Amizour), une section prioritaire, sera mise en circulation au début de l'année prochaine, soit en janvier ou février 2019.» Pas moins de 52 km ont été livrés en six ans, soit 50% du projet réceptionné avec un retard d'une année sur le délai contractuel qui est de 60 mois. Le challenge du nouveau wali est de «réduire les délais et de gagner, pourquoi pas, du temps sur les autres ouvrages», lance-t-il, feignant d'ignorer que les délais contractuels sont déjà largement dépassés à tous les niveaux. Il ordonne à la Société algérienne des ponts et travaux d'arts (Sapta) de mettre des engins et du personnel sur les deux ouvrages d'art restants sur les 15 et de commencer les travaux. Et à l'entreprise chinoise CRCC d'occuper l'ensemble des emprises libérées. Mais les entreprises de réalisation et le bureau de contrôle et de suivi n'ont pas attendu que le wali en fasse la remarque. Contrainte à Toudja Dès que ce dernier a posé les pieds au niveau du tronçon à la sortie d'Akhnak (Seddouk), une avalanche de contraintes techniques, géologiques et d'autres liées aux oppositions, aux problèmes inhérents aux expropriations et au manque d'agrégats est déclenchée. A chaque instruction émise par le wali, le chef du chantier souligne un «obstacle justificatif» : «Nous manquons d'agrégats. Les habitants de Toudja nous ont imposé le rythme d'une rotation par jour, soit 20 camions seulement qui doivent traverser leur village depuis la carrière de Toudja.» Le chantier est alimenté en agrégats depuis cette carrière qui fournit seulement 10 000 tonnes par mois contre un besoin estimé à 1,5 million de tonnes. L'arrosage de l'itinéraire pour empêcher la levée de nuages de poussière et la promesse de remise en l'état de la route empruntée ne convainquent pas les villageois de Toudja qui contestent la présence de cette carrière et dénoncent les désagréments qu'elle leur cause. Pour le wali, cela retarde remarquablement le projet, et la solution consisterait, pour lui, en «l'ouverture d'une piste sur un domaine public de l'Etat ou louer un passage chez un privé pour pouvoir augmenter la cadence. C'est une proposition à étudier». Le long du périple, le wali n'a pas cessé d'insister sur la nécessité de lancer tous les lots de cette opération. Chinois et nationaux se montrent crispés à chaque injonction. Le directeur des travaux publics croit comprendre la cause de cette crispation. «Celui qui termine les travaux sur ces lots sera payé, monsieur le wali ?», dit le DTP, comme pour arracher de la bouche du wali la formule magique qui doit rassurer les entreprises. «Evidemment ! Où avez-vous vu quelqu'un qui travaille et qui n'est pas payé ?», rétorque le wali, suscitant soulagement chez les entrepreneurs. Le message est passé. Le non-payement des situations des entreprises a provoqué à plusieurs reprises des arrêts de travail sur le chantier. Pour rappel, les travailleurs chinois ont même observé des grèves sur leur lieu de travail et à une fermeture de route pour revendiquer leurs salaires. Interrogé si l'Etat dispose de suffisamment de moyens financiers pour achever le projet, le wali affirme : «Ce ne sont pas les financements qui peuvent être un obstacle pour freiner le projet, mais ce sont les oppositions.» Le responsable de Naftal est interpellé par le wali, mais ce dernier était absent. Il s'agit aussi pour le premier responsable d'interroger le représentant de la société de distribution des produits pétroliers sur le sort des trois stations-service et les aires de détente prévues sur le tracé et dont le terrassement des sites au niveau d'Akhnak a été assuré par les Chinois. Direction Lota, un village relevant de la commune de Timezrit. Le wali y rencontre les représentants de sept familles expropriées qui revendiquent la consolidation de leurs maisons après les travaux de terrassement qui sont passés à près de 20 mètres de leurs demeures. Ils veulent un engagement par écrit quant à la promesse de prise en charge de leur doléance avant de laisser les entreprises travailler sur cette emprise libérée et où tous les riverains ont été remboursés à hauteur de 2750 DA le mètre carré. Sur le territoire de Timezrit, deux forages, qui alimentent Timezrit et Adekar, sont séparés par la pénétrante. Le forage d'Adekar se situant dans la partie de Timezrit, le maire demande une permutation (transfert du forage d'Adekar pour sa localité et inversement). «le marteau et le burin» Les conflits avec des citoyens sont nombreux. Pour mettre à plat tous ces problèmes, le wali prône le dialogue, notamment pour le cas des villageois partagés sur la réalisation d'un échangeur au niveau d'Aftis (Boudjellil). Certains le veulent plus loin, et d'autres le rejettent catégoriquement. C'est ce genre de tension qui aboutit aux fermetures de routes lorsque l'administration reste muette. «C'est très facile d'engager les forces de l'ordre pour ouvrir une route fermée, mais l'idéal c'est d'aller parler à ces gens et dialoguer», déclare le wali en réponse à une question sur le phénomène des fermetures des routes. Au niveau des deux tunnels de Sidi Aïch (Pk43 à Mâala), une section de l'autoroute qui est qualifiée de «zone critique» à cause de la nature du sol, le wali n'apprécie pas la méthode engagée pour le creusement. Les travaux s'effectuent de façon manuelle à cause de la nature géologique du terrain, à savoir un sol boueux difficile à traiter. «Ce n'est pas avec un marteau et un burin que nous allons avancer», dira le wali, qui demande à l'entreprise de trouver une meilleure méthode, plus rapide. L'entreprise chinoise avance de près d'un mètre par jour. A ce jour, l'un des tunnels enregistre 980 mètres creusés sur les 1628 prévus et un autre 1056 m sur 1691 m. Au Pk22, l'échangeur Amizour-El Kseur n'a été lancé que récemment. Pourtant, rien ne s'est opposé aux travaux sur ce site. Direction la dernière section, Amizour-Port de Béjaïa, sur environ 22 kilomètres. Le terrain étant inondable et se caractérisant par le phénomène de tassement du sol, cette quatrième section est mise en veilleuse. Des études ont été élaborées pour présenter plusieurs variantes, moins coûteuses que les opérations inscrites dans le cadre de la première étude, avant de reprendre les travaux sur le tracé. Le chef du chantier parle de terrain inondable et de densité d'habitations sur le tracé. Des habitants refusent d'empocher l'argent de l'expropriation. Entre 6 et 7 mètres de dénivelé ont été réalisés sur plusieurs kilomètres, mais le projet est à l'arrêt. Les entreprises proposent de réduire le nombre de voies. «Nous pouvons réaliser une autoroute de 2 sens en double voie au lieu de 2×3», dit le représentant des entreprises avant qu'il ne soit interrompu par Ahmed Maâbed. «Hors de question de réduire le nombre de voies. Nous maintenons la consistance initiale du projet. Il suffit juste de trouver la technique idéale pour traiter le sol», répond-il. Pour rappel, le ministre des Travaux publics et des Transports, Abdelghani Zaalane, en visite en mai dernier dans la wilaya, a promis que les travaux sur ce dernier tronçon Amizour-Port de Béjaïa «démarreront au début du quatrième trimestre 2018».