Les échanges commerciaux de l'Algérie avec ses partenaires des différentes zones géographiques ont évolué ces dernières années au gré de plusieurs facteurs, sans pour autant apporter les résultats escomptés en matière de diversification géographique des partenaires et des exportations. La politique adoptée jusque-là dans le cadre de la réforme du commerce n'a pas changé grand-chose concernant la place de l'Algérie sur le marché mondial. Mono-exportateur, avec une santé financière fragile et tributaire des prix du pétrole et un climat des affaires décrié de part et d'autre même au niveau interne, l'Algérie n'arrive toujours pas à améliorer sa position dans ce cadre. Le retard accusé dans son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ne joue pas en faveur de cette diversification tant recherchée, et ce, en dépit de la nature des relations qu'entretient notre pays avec ses différents partenaires. Des relations qualifiées de stratégiques, privilégiées, exceptionnelles, historiques mais parfois tendues, le type de rapport diffère selon les intérêts des uns et des autres (politiques entre autres). Mais aussi des objectifs et des tensions géopolitiques dans certaines régions du monde. Certaines questions comme l'immigration clandestine et les moyens de lutte contre ce phénomène qui sont au centre de divergences entre l'Algérie et certains de ses partenaires ont un peu impacté les échanges commerciaux. Ce qui fait qu'aujourd'hui, certains partenaires traditionnels sont en perte de vitesse sur le marché algérien même s'ils occupent toujours le même classement, alors que d'autres ne font que renforcer leur présence en Algérie. Une autre catégorie tente de s'y placer en commençant par l'exploration des besoins nationaux pour une éventuelle introduction de leurs produits sur un marché demandeur. Connaissant la structure de notre économie basée sur les hydrocarbures et cette volonté affichée du côté des pouvoirs publics de diversifier l'outil de production, ces pays n'hésitent pas à multiplier leur participation aux différentes manifestations économiques (foires et salons) notamment spécialisés, organisées en Algérie pour mieux vendre leurs produits. Mais, ces échanges restent globalement déséquilibrés. Inquiétudes L'analyse des bilans annuels du commerce extérieur de l'Algérie le montre clairement. Le gros des échanges se fait avec les pays de l'Union européenne (UE) et ceux de l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE). Cependant, la part de l'UE est baissée de près de 10%. En effet, en 2017, 44,37% des importations provenaient de l'UE contre 58,37% pour les exportations, selon les chiffres des services douaniers. Ainsi, les importations en provenance d'Europe ont chuté de 9,95%, passant de 22,47 milliards de dollars US en 2016 à 20,24 milliards de dollars US en 2017, par contre les exportations de l'Algérie vers ces pays, ont enregistré une hausse de 449 millions de Dollars US, soit 17.83 %. Ce qui semble inquiéter l'UE qui cherche justement à reprendre sa place sur un marché qui lui était acquis. Il faut dire justement dans ce cadre que les mesures de restriction des importations adoptées ces deux dernières années n'ont pas été sans conséquences sur ces échanges entre l'Algérie et l'UE dont les représentants ont émis des réserves. Pour rappel, en avril dernier, a réagi la commissaire européenne au commerce, Cecilia Malmström, a critiqué les mesures d'encadrement du commerce extérieur devant les députés français. Une réaction suivie d'une riposte algérienne. Le dossier fait d'ailleurs toujours débat à Bruxelles au même titre que le climat des affaires en Algérie. Des représentants du Service européen pour l'action extérieure (SEAE) rencontrés récemment à Bruxelles n'ont pas manqué d'émettre des interrogations à ce sujet mettant en exergue l'importance et la spécificité des relations entre les deux parties, notamment dans le cadre de l'accord d'association. Un accord dont l'évaluation de la mise en œuvre pour la période 2005-2015 a montré que le cumul des exportations algériennes hors hydrocarbures vers l'UE n'a même pas atteint les 14 milliards de dollars, alors que les importations algériennes auprès de l'UE se sont chiffrées à 220 milliards de dollars durant la même période, soit une moyenne de 22 milliards de dollars. Ce que les représentants de la commission européenne ont expliqué par l'absence de la diversification économique l'Algérie. La Chine en force, mais… Ce qui suscite également la crainte des Européens, c'est que certains pays au sein de l'UE ont perdu leur place en Algérie au profit d'autres partenaires essentiellement la Turquie et la Chine. Les pays de «l'Asie» ont, à ce titre, affiché une légère augmentation de près de 12,66%, passant de 13,91 milliards de dollars US à 15,67 milliards de dollars US pour les mêmes périodes considérées. En 1980, ces pays ne représentaient que 5% des importations ; cette part est passée à 12% en 2005 pour se stabiliser ces dernières années autour de 13%. La Chine a été, en 2017 et ce, pour la cinquième année consécutive, le premier fournisseur de l'Algérie, alors que pendant de longues années la France, qui a occupé malgré ce déclassement le premier rang des pays de l'UE avec 9,35%, a toujours été le premier fournisseur à l'échelle mondiale pour être détrônée par la Chine. Alger et Pékin sont en effet sur la même longueur d'ondes et le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, qui était en visite en Chine, en septembre, dernier s'est félicité de la densité des échanges commerciaux bilatéraux. Une densité qui sera soutenue davantage avec l'adhésion de l'Algérie à l'initiative de la route de la soie, mais qui risque de favoriser beaucoup plus la Chine qui se place paradoxalement à l'avant-dernière place des pays importateurs de produits algériens. Un plan pour les exportations De son côté, l'Hexagone pourrait même perdre des points dans ce classement avec la volonté de l'Algérie de se tourner vers d'autres fournisseurs de céréales et de viandes, la Russie en l'occurrence, avec laquelle les discussions sont en cours, après la visite d'une délégation algérienne en Russie récemment conduite par l'Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC), des professionnels russes du secteur sont également attendus prochainement à Alger pour mûrir le dossier. C'est ce que nous avons appris auprès de Alexey Shatilov, représentant commercial de la Fédération de Russie en Algérie (lire l'entretien). D'autres questions d'ordre économique sont par ailleurs en négociations entre les deux parties. A travers de telles décisions, l'Algérie pourrait marquer un pas dans la réalisation de la diversification géographique des partenaires pour renforcer sa faible présence sur le marché mondial. Mais faudrait-il en parallèle franchir l'étape de la diversification des produits exportés. Ce qui est en préparation puisque le gouvernement est en phase d'élaboration d'un plan de promotion des exportations agricoles tel que rappelé, jeudi dernier, par le ministre du Commerce, Saïd Djellab. Là aussi, l'UE s'engage à apporter son appui à l'Algérie. Ce qui a été réitéré lors de la 11e session du conseil d'association Algérie-UE. Des partenaires gagnent du terrain En attendant, d'autres pays gagnent du terrain en Algérie, à l'image de la Turquie, aux côtés des USA, l'essentiel des échanges commerciaux de l'Algérie dans l'OCDE est la Turquie. Et ce pour un taux de 3,95% pour les USA et 4,35% pour la Turquie des importations en provenance de ces pays, et de 9,76%, et 5,64% pour les exportations vers ces mêmes pays. Le ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, en visite en Turquie en février dernier, n'a pas manqué de souligner la qualité des relations entre les deux pays. «L'Algérie est le premier partenaire africain de la Turquie et les échanges entre les deux pays s'élèvent à 3,5 milliards de dollars», avait indiqué Abdelkader Messahel, rappelant que 796 entreprises turques, employant plus de 28 000 personnes, sont présentes en Algérie. L'intégration maghrébine, un mythe Côté échanges intra-régionaux, les flux sont très faibles. En 2017, le volume des échanges avec les pays du Maghreb (UMA) a même baissé légèrement de près de 1% par rapport à l'année 2016, passant de 1,87 milliard de dollars US en 2016 à 1,85 milliard de dollars US en 2017. Le processus d'intégration maghrébine tarde à démarrer ; ce qui bloque la création d'un bloc économique régional. Près de trente ans après le Traité instituant la création de l'ensemble régional, toujours pas d'avancée, «les pays du Maghreb se sont ouverts à des degrés différents au commerce international et sans aucune concertation préalable, ils n'ont pu de ce fait jouer d'un poids commun contre l'asymétrie qui frappe leurs relations commerciales avec des pays ou regroupements régionaux de taille plus grande. Les pays de l'UMA ont agi d'une manière séparée pour les engagements à l'OMC (seuls le Maroc et la Tunisie sont membres) et pour la signature de multiples accords commerciaux», a conclu récemment une étude sur le coût du non-Maghreb. Les rédacteurs de ce rapport ont relevé le manque d'harmonisation des politiques commerciales des pays maghrébins. Ce qui aboutit, a-t-on expliqué à ce sujet, «à favoriser une intégration verticale au détriment de liens horizontaux pouvant aboutir à des chaînes de valeur régionales ou du moins à des segments conséquents dans les chaînes de valeur mondiales. Cette multiplication des accords commerciaux génère de fait des créations de commerce au profit des nouveaux partenaires et au détriment des pays de l'UMA. C'est justement le cas. Idem pour les échanges dans le cadre de la grande zone arabe de libre-échange (GZALE). Les statistiques du commerce extérieur pour 2017 le montrent également. Le volume global des échanges commerciaux de l'Algérie avec ces pays a diminué de 2,26%. Au plan africain, même constat. L'Algérie plaide pour des échanges commerciaux plus soutenus et équitables. Mais pour l'heure, cela reste au stade de vœu.