L'Unique est montée, depuis quelques jours, d'un cran dans la campagne électorale de Bouteflika. Soraya Bouamama reprenant, après de longues années de disette, son émission politique pour relancer le débat autour de la prochaine consultation qui n'est plus très loin. C'est le signe le plus évident que du côté du boulevard des Martyrs on est passés à la vitesse supérieure pour donner à l'évènement toute la dimension propagandiste qu'il mérite. Dans les JT, la place consacrée au sujet est désormais plus conséquente. Pas un officiel qui passe sur le petit écran ne raterait, pour rien au monde, l'occasion de souligner la portée historique de l'élection présidentielle et, surtout, de sensibiliser l'opinion publique sur le devoir citoyen de se rendre aux urnes. Chaque responsable auquel on tend un micro et sur lequel on braque une caméra se sent obligé de faire dans la moralisation, d'être en quelque sorte un maillon actif et utile de la longue chaîne du réseau de soutien entretenu et développé pour la réussite du troisième mandat du Président sortant, qui soit dit en passant, à ce jour et à moins de deux mois du scrutin, n'a pas encore annoncé sa participation. Si, par exemple, l'effet d'annonce a paru presque normal venant des leaders de l'Alliance présidentielle, il y a parfois des intonations qui frisent le ridicule quand elles dépassent les limites admises de la flagornerie. La sortie la plus incongrue aura été, dans ce sens, certainement celle de El Eulmi, PDG de l'Unique, qui n'a pas trouvé mieux pour être dans les bonnes grâces du cercle présidentiel que d'affirmer que le récent accord entre l'ENTV et ART pour la retransmission des deux matches de football de l'EN contre le Rwanda à Kigali et la Zambie à Lusaka n'a pu être réalisé que sous l'impulsion de Bouteflika. Ainsi donc, selon le nouveau patron de la télévision nationale, le Président vient, par cette décision, de faire des heureux parmi les nombreux fans de la balle ronde qui seront autant de voix à convertir. Nous avons la chance que notre premier magistrat nous règle le problème de la retransmission en direct du football. Demain, on va lui demander de nous régler celui des cartes satellitaires pour ne plus subir le diktat des hackers. Au moment où Canal+ officiel s'installe chez nous, on parle d'un projet de loi pour éliminer toutes les paraboles individuelles. On n'arrive plus à y voir clair dans ce petit écran qui a perdu ses couleurs... Franchement, le chef de l'Etat qui pense à un mandat plus rationnel a-t-il vraiment besoin de ce genre de glorifications pour convaincre ? La course frénétique au positionnement politique ou administratif dans cette conjoncture pré-électorale peut mener à tout, mais elle peut également rendre de très mauvais services au postulant à trop vouloir lui inventer les ingrédients d'un consensus artificiel. Déjà que la couverture, dans chaque wilaya, du renouvellement des listes électorales commence à devenir un peu trop ronronnante, les téléspectateurs ont du mal à avaler les manifestations dites populaires organisées « spontanément » pour inciter à une troisième ouhda du Président sortant. Ces images, nous les avons vues et revues. Elles se ressemblent toutes et les voilà qui reviennent pour la circonstance. Si la vision éditoriale de la télé reste carrée, elle manque en tout cas de plus en plus d'imagination. Le plateau de Bouamama en fait foi. Avec un invité comme Moussa Touati, qui était visiblement ravi qu'on ait pensé à lui comme premier de la liste, on était en plein dans l'ambiance de la platitude. De là à ce que le leader du FNA fasse preuve de quelques prouesses politiques pour nous communiquer l'espoir que le multipartisme reste conquérant dans notre pays... Cela étant dit, pour revenir au réseau en question, il n'y a rien de nouveau dans cette démarche tout à fait algérienne qui consiste à mettre d'abord en branle les structures et le personnel de fonctionnement de la machine électorale avant même que le principal concerné ne se prononce. Une façon de baliser le terrain et de réunir les meilleures conditions pour lui éviter toute mauvaise surprise. Le mot d'ordre semble être : « Pas le moindre grain de sable dans les rouages de la mécanique... » C'est dans cette optique qu'a été réactivé, au sommet de la pyramide, le staff de campagne composé d'un carré de fidèles qu'on appelle « les hommes du Président » et dans lequel on retrouve le patron de l'UDR (parti non agréé), Amara Benyounes, qui avait disparu pourtant pendant des mois de la scène politique, et HHC qui, rappelons-le, avait fait l'objet d'une éviction de la télé. Tout est donc étudié pour valoriser l'image d'un candidat pas comme les autres, qui bénéficie au départ d'un traitement médiatique exceptionnel de la part des médias publics (radios et télévision). Sauf que l'essentiel, pour l'heure, manque à l'appel, à savoir la présence de concurrents qui donnent du poids à l'élection. La pêche aux lièvres, apparemment, reste infructueuse. Et ça c'est pas bon pour le Président !