Comme toujours, les Algériens de Belgique ne restent pas indifférents au débat politique qui occupe la scène nationale. Ils s'impliquent à leur manière. Les débats sur la prochaine révision constitutionnelle et l'éventualité d'une troisième candidature à l'élection présidentielle de M.Abdelaziz Bouteflika ont pris un cran de plus depuis le début de cette année 2008 auprès de la communauté algérienne de Belgique. C'est que nos immigrés sont, par la magie de l'Internet, de fidèles lecteurs de la presse écrite nationale, et accessoirement de l'unique chaîne nationale de télévision. En outre, ayant le pays dans les tripes, nos concitoyens ne sont pas avares du téléphone pour avoir des détails auprès des proches et amis du pays à chaque épisode marquant la vie sociale et politique de l'Algérie. Aujourd'hui, dans les cafés, bars, cercles et associations, la question de la révision de la Constitution et de l'éventuelle candidature de M.Bouteflika monopolise les discussions, parfois vives et houleuses. Souvent, un groupe composé d'intellectuels, commerçants et hommes d'affaires se retrouvent autour de Zoubir, appelé le rassembleur, propriétaire d'un bar-restaurant situé à la limite du «quartier européen». Les débats sont chauds. Il y a ceux qui défendent l'action du président et accusent le gouvernement d'incapacité à conduire les réformes contenues dans le programme présidentiel. Les autres estiment que le président en est aussi responsable, sinon pourquoi garde-t-il un tel gouvernement. Il y a les radicaux qui sont convaincus qu'il n'y a aucun espoir d'avenir pour le pays et que tous les responsables, à quelque niveau où ils exercent, sont des corrompus. Puis vient l'inévitable interrogation: que sera 2008 et surtout qui dirigera le pays en 2009? A ce moment, les choses se compliquent. Kacem, Zoubir, Rachid disent ne pas connaître un leader national charismatique capable de succéder à Bouteflika, de mobiliser le peuple et lui rendre l'espoir d'une vie meilleure. Ben, Omar et l'autre Rachid s'insurgent et commencent à citer des noms connus: Hamrouche, Réda Malek, Ouyahia...Une partie de ce groupe se retrouve en fin de semaine dans les quartiers proches du Parlement européen et des institutions de l'Europe en présence de journalistes algériens, artistes et professeurs d'universités. Le débat est plus sérié et on fait son numéro de haut vol. «Tous les pays du monde révisent leur Constitution lorsque le système rencontre des blocages pour s'adapter aux exigences du développement présent», lance Salah. A qui répond Aziz: «Oui, mais pourquoi maintenant, à la veille de l'élection présidentielle. C'est pour permettre à Bouteflika de briguer un troisième mandat.» M'hamed croit lui, que ce n'est pas seulement pour cette raison: «Si l'objectif est un troisième mandat pour Bouteflika, un simple amendement de l'article en question suffirait. Il y a derrière cette révision une volonté de réorganiser tous les pouvoirs de l'Etat. Puis attendons le projet pour voir plus clair.» Dans cet échange «sérieux», les journalistes en prennent souvent pour leur grade. «Ne serait-ce pas ce déferlement de commentaires dans la presse nationale qui empêche une analyse sereine?» s'interroge Hamadi. Chose pour le moins bizarre, les Algériens de Belgique parlent très peu des courants islamistes et des chances de voir l'un de leur leader diriger le pays. Loin de ces forums qui finissent tard le soir sous les lampions des bars et restaurants, il y a les femmes. Elles sont mieux organisées, plus efficaces et plus lucides, ose-t-on dire. Voilà Soraya, Hassina, Fouzia, Atika, Ghezala et les autres. Ce sont elles qui, sans avoir d'association officielle, prennent l'initiative à chaque occasion de fête nationale ou religieuse de «convoquer» les hommes pour des cérémonies aux couleurs du pays. Ce sont elles qui alertent en premier le plus d'Algériens lorsqu'un artiste ou un événement culturel qui touche au pays se produit en Belgique. Face aux hommes, elles disent ce qu'elles pensent: «Bouteflika a réussi des choses et raté d'autres. Où sont les hommes qui se sont engagés à réaliser tout son programme. Aimez l'Algérie, soyez près d'elle et les choses iraient mieux. L'Algérie n'est pas la responsabilité d'un seul homme», disent-elles en substance. Puis, pour illustrer leurs propos, elles ajoutent: «Voyez lorsque l'on compte sur soi-même, nous organisons fêtes, rassemblements pour l'Algérie, actions de solidarité pour les enfants algériens hospitalisés ici...sans jamais faire appel aux services de notre ambassade ou ceux du consulat. Et ça marche. Comptons sur nous-mêmes d'abord si nous voulons changer les choses pour le mieux.» Et Dieu sait que nous sommes encore à 14 mois du rendez-vous présidentiel!