Nul doute que la situation, du point de vue géostratégique, va sensiblement changer en Asie centrale et plus précisément aux portes de l'Afghanistan où les Américains s'apprêtent à renforcer leur présence en vue de mettre fin à une guerre déclenchée en 2001 et dont personne n'en voit la fin, et encore moins un signe annonciateur de la victoire. C'est cette guerre que le nouveau président, Barack Obama, entend achever et il a décidé d'y apporter tout l'effort de son pays. Cela semble difficile, au moins sur le plan de la logistique et des points d'appui, en d'autres termes, des bases dont pourrait disposer l'armée US. désormais, celle-ci devrait en compter une de moins, et pire que cela revoir son dispositif depuis hier, soit depuis que le gouvernement kirghiz a annoncé que sa décision de fermer une base aérienne américaine sur son territoire vitale pour l'approvisionnement des forces de la coalition internationale en Afghanistan, est « définitive ». Le porte-parole du gouvernement kirghiz a tout juste précisé que « le ministère kirghiz des Affaires étrangères et l'ambassade des Etats-Unis échangent leurs points de vue sur le calendrier de fermeture de la base ». Le Parlement du Kirghizstan doit examiner, la semaine prochaine, le projet du gouvernement de fermer la base de Manas, située près de Bichkek et à proximité d'infrastructures militaires russes. Le Parlement étant contrôlé par les partisans du président kirghiz Kourmanbek Bakiev, l'approbation du projet de loi sur la fermeture de ces installations américaines — une décision souhaitée par Moscou rendu public, mercredi dernier, ne faisait pas de doute. Et bien que cela ne pourra en aucun cas remplacer ce qu'ils viennent de perdre, la Russie a fait savoir, hier, qu'elle « donnera son accord » au transit de matériel américain vers l'Afghanistan. Le Tadjikistan, lui aussi, se déclare prêt à autoriser le transit de marchandises destinées à la coalition internationale vers l'Afghanistan, à l'exception des fournitures militaires, a déclaré, hier, l'ambassadeur des Etats-Unis à Douchanbe, à l'issue d'une rencontre avec le président tadjik. Le chef de l'Etat tadjik, Emomali Rahkmon, a souligné que son pays, une ancienne république soviétique, était « totalement prêt au transit de fournitures non militaires vers l'Afghanistan », a déclaré à la presse Mme Tracey Ann Jacobson, qui dirige la représentation diplomatique américaine. Le président Rakhmon a, de son côté, déclaré aux journalistes que le Tadjikistan était « prêt à offrir aux Etats-Unis et aux pays de l'Otan son aide pour les livraisons commerciales et humanitaires en Afghanistan ». Avant même que cette décision ne soit prise, les Etats-Unis, qui estimaient que la base en question a été d'une importance « capitale » pour les opérations en Afghanistan, travaillaient avec ce pays pour le convaincre de ne pas fermer ces installations, a déclaré la Maison-Blanche, jeudi. « Le Kirghizstan a mis à notre disposition une base aérienne à Manas, qui a été d'une importance capitale pour nos efforts et ceux de la coalition en Afghanistan, et nous nous attendons à travailler rapidement avec eux pour remédier à cette situation », a déclaré le porte-parole de la Maison-Blanche, Robert Gibbs. La secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, a estimé de son côté que le projet de fermer la base était « regrettable ». Mais « cela n'affectera pas les décisions que nous aurons à prendre, quelles qu'elles soient », a-t-elle ajouté, parlant apparemment de la politique en général des Etats-Unis dans la région. « Le département de la Défense est en train d'examiner comment procéder autrement », a dit Mme Clinton, laissant entendre que le Pentagone étudiait des plans de remplacement. « Nous allons procéder avec une grande efficacité, quel que soit le résultat des réflexions du gouvernement kirghiz », a-t-elle déclaré. Le président kirghiz, Kourmanbek Bakiev, a annoncé, mardi à Moscou, la décision de principe de fermer la base qui sert, depuis sa création fin 2001, de plate-forme de soutien logistique aux troupes de la coalition internationale engagée en Afghanistan qui compte 1200 militaires. L'annonce a été faite aux côtés du président russe, Dmitri Medvedev, quelques minutes après l'octroi au Kirghizstan d'un crédit russe de deux milliards de dollars, alors que les abords de la Russie sont le théâtre d'une lutte d'influence considérable. La Russie, qui souhaitait depuis longtemps la fermeture de ces installations militaires, a nié avoir influencé le gouvernement kirghiz. Mais un responsable du département d'Etat a douté du sérieux de l'offre russe, s'interrogeant sur les véritables motivations de Moscou. « Les Russes ont présenté une sorte d'offre », a déclaré à la presse ce responsable ayant requis l'anonymat. « Je pense que vous avez entendu parler de cette offre, dont le plus gros, à notre avis, ne sera pas suivi d'effet », a-t-il ajouté. « De toutes les façons, ce n'est pas réaliste. Ils parlent de deux milliards de dollars. Le fait que M. Bakiev ait révélé cela à la télévision russe ne nous a pas échappé », a-t-il ajouté. « Je ne sais pas exactement où ils (les Russes) veulent en venir ». Bien entendu, il se gardera d'en dire plus. Mais nul doute qu'un nouveau chapitre dans les relations entre les deux pays vient d'être ouvert, et cela vaut aussi au plan des relations multilatérales avec cette décision de sept pays de l'ancienne URSS de constituer des unités militaires communes. Et là, il n'y a pas de place pour le hasard. Il y a une recomposition et un retour en force de la Russie.