En cette Journée nationale du chahid, comment ne pas avoir une pensée émue pour la famille Rahabi de Guelma blessée dans ce qu'elle a de plus cher : sa participation à la Guerre de libération. Un des siens, Abdelaziz, a interpellé, il y a une semaine dans les colonnes d'El Watan, ceux qui, écrit-il, « comme des voleurs, alliant la lâcheté à l'obscurité, ont déboulonné le fronton portant collège des Frères Rahabi, situé dans la cité Emir Abdelkader de la ville ». Un acte gravissime qui avait vocation d'ôter la qualité de martyrs au grand-père et au frère de Abdelaziz ; celle-ci leur a été pourtant décernée par toute la région de Guelma reconnaissante de leur sacrifice pour la nation. Abdelaziz n'a eu que sa plume pour crier sa révolte et témoigner de sa peine sur ce geste honteux qui a fait pleurer le commandant Azzedine, pourtant rompu à toutes les épreuves humaines, ne pouvant imaginer que le règlement de comptes politique pouvait aller jusqu'à la profanation des mémoires sacrées. Car il s'agit bien là d'une vengeance contre l'ancien ministre et ambassadeur, Abdelaziz Rahabi, qui a pris son indépendance vis-à-vis du pouvoir en place, prenant régulièrement position ouvertement sur les atteintes aux libertés publiques et individuelles. Les visiteurs de nuit au collège de Guelma n'ont fait qu'exécuter un ordre venu d'en haut et c'est un truisme que de dire que les puissants n'aiment pas les esprits libres critiques, le faisant savoir chaque jour, n'hésitant pas à user contre eux de tous les procédés possibles, y compris le plus vil d'entre eux : transformer un héros de la Guerre de libération en harki et un harki en moudjahid ou en martyr. Les faux moudjahidine se comptent pas milliers, la plupart d'entre eux ayant bénéficié de la complicité des autorités locales. Les gouvernements successifs ont toujours évité d'ouvrir ce dossier explosif. La liste des forfaitures de l'histoire est longue, bien longue. Le lycée Mouloud Feraoun d'Alger a été débaptisé en 1980, en plein printemps berbère. Les familles et les compagnons d'Iveton et de Maillot doivent chaque fois quémander une autorisation administrative pour déposer une gerbe de fleurs sur la tombe de ces martyrs de la nation. Plus loin dans le temps, Ferhat Abbas, Benyoucef Benkhedda, Hocine Lahouel et Mohamed Kheireddine ont été placés en résidence surveillée et leurs biens confisqués pour avoir osé dénoncer le pouvoir personnel de Boumediène et demandé un peu de démocratie. Nombre de héros de la Révolution ont fini assassinés, car leur présence dérangeait ou culpabilisait les dirigeants qui se sont emparés du pouvoir par la ruse ou par le rapport des forces. Les martyrs ne peuvent qu'être heureux, car ils n'ont rien vu… Et c'est mieux ainsi.