Après plus de deux heures de discours sur les vertus de la réconciliation et son prolongement, l'amnistie, les débats ont pris une autre tournure. Chacun voulait prendre le micro pour situer son mal. Des témoignages poignants frisaient pour certains le tragique. Des mots durs se mêlaient au verbe cru et spontané. Un handicapé a fait savoir qu'il revient d'Alger où il devait observer une grève de la faim pour protester contre «la hogra» dont il se sent victime à Sougueur, dira-t-il. «La Moussalaha, je la défendrais bec et ongles, comme je n'ai jamais cessé de le faire depuis octobre 1988, mais laisser les clans maffieux agir comme bon leur semble, au mépris des lois de la République, çà, non !», clama-t-il. Un jeune de la ville de Tiaret décline sa gratitude pour Bouteflika mais affiche aussi son aversion pour «le trafic d'influence et l'utilisation indue des biens de l'Etat. Le simple citoyen refuse de cautionner le gaspillage, l'entrisme et l'abus d'autorité.» C'est finalement une jeune dame qui va porter le coup de grâce, en parlant, sous des torrents de larmes, de sa situation tout aussi tragique. Employée, elle finira au chômage après la dissolution de la coopérative où elle travaillait. «La coopérative a été détournée par des fellahs influents alors que moi et d'autres pères de familles, jugements en main, n'avons pu obtenir gain de cause.» Même les grèves de la faim et les sit-in n'ont pu infléchir le cours des choses. Son malheur s'exacerba après le divorce, pour se retrouver avec quatre enfants dont un mongolien qui mendie sa coûte sous l'indifférence presque totale. «Ma vie a basculé à cause de l'arbitraire et de l'inapplication des décisions de justice.» Son cas est loin d'être une exception. Il est vrai qu'il serait indécent de parler «Moussalaha» si, en amont, les institutions de l'Etat ne respectent pas les notions de droit et de dignité. Les citoyens présents veulent bien que la «Moussalaha» soit appliquée, mais ils veulent qu'elle soit «fondée sur des bases juridiques solides, loin des surenchères, de l'opportunisme et des passions.» Le président du mouvement, Mohamed Yahiaoui, est venu, dit-il, «expliquer et sensibiliser les citoyens sur la nécessité d'appuyer le président de la République dans son œuvre devant garantir la sécurité, la stabilité pour tous à travers la réconciliation nationale.» Sans elle, «nous ne pouvons parler de justice, de paix, d'emploi et de prospérité», dira-t-il.