Plus d'une quinzaine de jeunes filles piaillant, gesticulant, questionnant, appelant ou répondant à des appels, allant et revenant pendant que d'autres sont courbées sur des morceaux de tissu : c'est la ruche de la maison de jeunes de Soumaâ, à l'entrée du village et dans le voisinage immédiat d'une petite gare routière. Cette dernière permettant à la gent féminine habitant les centres alentours tels Halouya, Ferroukha ou Sidi Aïssa de ne point s'attarder dans l'artère principale et encourir les réprimandes de la société mâle. Dans cette maison de jeunes dépendant de la DJS de Blida, les espaces sont occupés par un atelier de peinture sur soie, un autre de travaux manuels pendant qu'un groupe compact suivait, dans un réduit servant de salon de coiffure, un cours pratique préparant un concours devant avoir lieu bientôt dans la grande salle. Mme Baya A., coordinatrice autoritaire, est présente depuis 14 ans et a évoqué avec une certaine nostalgie la publication de la revue du centre, les répétitions de la troupe de théâtre. « Ces deux activités n'existent plus, parce qu'il n'y a pas eu de relève », dira-t-elle d'un ton égratigné par les souvenirs. Les tableaux remplissant les larges murs sont l'œuvre du peintre Kadi qui, heureusement, n'a pas déserté les lieux, mais auquel manquent brosses, pinceaux, toiles et même... modèles. La bibliothèque du centre fonctionne beaucoup plus comme salle de travail pour jeunes élèves de lycée et de collèges préparant des examens : huit chaises seulement et un étalage de livres datant des années 1960 et 1970 ! Aucun dictionnaire ou encyclopédie et Melle Baya A., présente depuis sept années, ne perçoit que le pécule réservé dans le cadre du filet social. La cour extérieure servait de terrain de basket-ball mais est à l'abandon depuis deux années, du fait de la non-remise en l'état.Du linge était étendu renseignant sur la présence d'une famille. Celle-ci occupe la salle depuis trois ans au détriment des jeunes qui pratiquaient la boxe : l'enseigne « salle de boxe » existe toujours. Pis encore, une autre famille occupe des salles depuis douze années et les autorités n'ont pas daigné libérer les espaces pour les rendre à leurs fonctions originales. Les projets de prise en charge de jeunes toxicomanes, de concours dans différentes disciplines existent, mais le détournement des espaces annihile toute volonté d'action. Dernière en date, la médiathèque ne fonctionne pas par la faute du non-paiement de la facture du téléphone par la section Internet. Ce moyen d'évasion par l'esprit et par l'imaginaire, qui permet d'apprendre et de trouver des réponses à pratiquement toutes les questions des adhérents, est suspendu pour 80 000 malheureux dinars, une somme insignifiante dans le budget d'une wilaya, d'une commune ou d'une direction de wilaya. Voilà comment transformer une jeunesse dynamique en êtres amorphes, aux yeux hagards, aux lèvres muettes, aux idées tristes dans un village aux possibilités incalculables.