La commune de Soumaâ, située en pleine Mitidja, connaît ces derniers jours un temps printanier, même sous un ciel encore grisâtre. Vers le centre de Ferroukha, à deux kilomètres du chef-lieu de la commune, tout a l'air d'aller pour le mieux. Maisons simples, ornementées d'arbres d'agrumes, omniprésence des champs, une sakia (ruisseau) qui traverse la rue principale du douar... Toutefois, la première personne rencontrée au niveau de ce village, un berger avec ses troupeaux, n'est pas allé avec le dos de la cuillère pour faire état d'une litanie de problèmes. Le plus inquiétant pour lui est l'eau trouble qui sort des robinets des 7000 habitants de Ferroukha à chaque tombée de pluie. « En cette saison hivernale, l'eau est souvent boueuse et contient même des poils de sanglier », nous dira-t-il. Quelques mètres plus haut (Ferroukha est située en pente) trois jeunes commençaient à leur tour à énumérer les problèmes auxquels ils sont confrontés au quotidien. Ils réclament, notamment, plus de moyens de transport, puisque les rares fourgons qui assurent des navettes vers Soumaâ sont anciens et n'offrent aucun confort aux usagers. Ils évoquent aussi le dispensaire du douar, lequel fonctionne uniquement entre 10 h et 13 h avec un seul médecin généraliste. Evoquant le problème de l'eau, ils nous diront que certains achètent l'eau minérale pour éviter l'eau contaminée des robinets. Selon nos interlocuteurs, Ferroukha « peut devenir le grenier de toute la région, puisqu'elle est très fertile. Malheureusement, on pense à nous uniquement durant les campagnes électorales. D'ailleurs, notre route principale n'a pas été goudronnée depuis 1991 ». Il était 11 h, des jeunes du village consommant des cigarettes donnaient l'impression de se réveiller. Malgré tout, ils sont jaloux de leur douar et ils veulent en faire un site touristique : « Il y a une zone connue pour ses pins où les riverains ramassent le fliou (menthe pouliot) pour les besoins d'un plat très prisé dans la Mitidja. On veut qu'elle soit aménagée au profit des familles et non des délinquants comme c'est le cas actuellement. » Ils évoquent, par ailleurs, le cas de ces habitants qui occupent toujours des bureaux d'une entreprise publique dissoute depuis 1995. Sur place, nous avons constaté de visu la promiscuité qui y règne. Les habitants de ces bureaux, appartenant à l'ex-Enial, une entreprise construite par des Américains, qui était spécialisée dans la maintenance de la pièce détachée, crient au scandale. Ils avaient fui les hauteurs de Ferroukha, appelée Bouchmala, pour cause de terrorisme. Pour eux, les désagréments sont légions : absence de gaz de ville, toilettes communes, absence d'intimité, de cuisine et rareté de l'eau. Sur les lieux, un immense garage en forme de coupole a été transformé en dépotoir, en l'absence d'un lieu réglementé pour le dépôt et le ramassage des ordures. « Nous avons souffert du terrorisme et nous continuons de souffrir de l'indifférence des autorités. Rien que pour aller aux toilettes, on doit faire la queue », nous dira une sexagénaire, qui habite ces bureaux. « Nous gardons de très mauvais souvenirs du sang, de la violence et de la peur qui rythmaient notre vie quotidienne », ajoutera-t-elle, en annonçant qu'il n'est plus question de revenir à Bouchmala, synonyme, pour elle, de mauvais sort… D'autres se disent disposés à y retourner, à condition que toutes leurs doléances soient prises en charge. « Nous sommes prêts à y retourner. Toutefois, notre retour reste tributaire des moyens et de la sécurité mis à notre disposition », dira un d'entre-eux. Pour l'épouse d'un patriote occupant la cantine de l'ex- Enial, les conditions dans lesquelles elle vit sont moyenâgeuses : infiltration des eaux de pluie, omniprésence de fils électriques dans la chambre… S'ajoutent à cela, les enfants victimes de bronchite, rhumatisme, énurésie et autres maladies. Interrogé, le P/APC de Soumaâ dira qu'il n'est pas possible de répondre aux 4200 demandes de logement à Soumaâ, dont le quota est de 150 logements seulement. « Même parmi les bénéficiaires des 865 logements AADL, une vingtaine seulement habitent notre commune », ajoutera t-il. Pour la qualité de l'eau, notre interlocuteur nous informera qu'un monobloc sera opérationnel prochainement pour le traitement de l'eau potable. « L'Algérienne des eaux (ADE) devait s'occuper de la gestion de l'eau à Soumaâ depuis janvier 2008. À ce jour, nous continuons à la gérer nous-mêmes », insistera-t-il. Pendant ce temps-là, les habitants de Ferroukha continuent d'espérer une vie plus décente.