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Du job one à la découverte du Sud
Publié dans El Watan le 13 - 04 - 2005

A l'opposé, personne ne parle arabe à l'Otan. N'est-ce pas curieux de la part d'une organisation qui veut établir un partenariat avec les pays de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient ? Chaque matin, James Appathurai, pour l'analyse médiatique à remettre au secrétaire général Jaap de Hoop Scheffer, se rabat sur les sites web anglophones d'Al Arabiya et d'Al Jazeera pour essayer de comprendre ce qui se passe dans le monde arabe. «Ce n'est pas normal», reconnaît-il. Aussi, décision est prise de recruter des traducteurs en langue arabe. La condition : avoir la nationalité d'un des 26 pays membres de l'alliance. C'est que l'Otan, qui emploie 1300 personnes au QG bruxellois, a des standards. Elle les respecte même si elle ne veut pas être un club fermé. Seulement voilà, l'Otan, née au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, reste attachée au traité de Washington signé en 1949. Traité qui fait que seuls 54 pays, notamment ceux membres de l'Organisation de la sécurité et de la coopération en Europe (OSCE), peuvent prétendre à une adhésion entière. Actuellement, l'Otan est composée de 24 pays européens, des Etats-Unis et du Canada. «Les parties peuvent, par accord unanime, inviter à accéder au traité tout autre Etat européen susceptible de favoriser le développement des principes du présent traité et de contribuer à la sécurité de la région de l'Atlantique Nord», est-il stipulé dans l'article 10.
Depuis le sommet de Bruxelles, en 1995, il est question d'«élargissement» de l'alliance. Cette nouvelle politique visait, en premier lieu, à récupérer les pays de l'ex-Bloc de l'Est après la mort, presque naturelle, du Pacte de Varsovie et la chute du mur de Berlin. Il était entendu que le job one (la principale mission) de l'alliance était cette région. «A chaque fois que l'on fabrique un verre à l'Est, on était au courant. On savait tout», nous dit un expert. L'Otan a lancé alors l'initiative du 3 P (partenariat pour la paix) ouverte au pays de l'Europe de l'Est, aux pays Baltes et du Caucase. Les objectifs du 3 P ? «Faciliter la transparence dans le processus d'établissement des plans et des budgets de défense nationaux. Faire en sorte qu'un contrôle démocratique s'exerce sur les forces de défense. Maintenir les moyens et l'état de préparation permettant d'apporter une contribution à des opérations menées sous l'autorité des Nations unies et/ou sous la responsabilité de l'OSCE.» Au début, l'alliance ne savait pas exactement où le 3 P allaient mener. «Quand on a commencé le partenariat avec les pays du Caucase, personne ne pouvait prédire où cela irait. Avec ce qui s'est passé en Afghanistan, ces pays sont devenus importants. Ces pays connaissent la région, nous pouvons faire le transit de nos personnels. Le 12 septembre 2001 (après les attentats de New York et Washington, ndlr), on a immédiatement pu établir des contacts avec cette région», explique James Appathurai. Avec deux grands pays comme la Russie et l'Ukraine, l'Otan a développé, parallèlement au 3P, une coopération particulière. En 1997, l'acte fondateur du partenariat Otan-Russie a été signé à Paris.
C'est le début d'une nouvelle époque. Et c'est l'occasion pour Vladimir Poutine de dire clairement : «Nous avons parcouru un long chemin de l'opposition au dialogue.» «Agissant en tant que partenaires véritablement égaux, la Russie et les Etats membres de l'Otan ont construit un partenariat axé sur les résultats, qui repose sur le pragmatisme et sur une communauté d'intérêts», a déclaré, pour sa part, Jaap Schiffer.
«Priorités stratégiques»
En 2002, la création du Conseil Otan-Russie (COR) est annoncée. «Un tournant décisif», dit-on à Bruxelles. On estime que l'alliance et Moscou ont, non seulement, «des priorités stratégiques», mais se trouvent «confrontées aux mêmes défis». Des défis ? Lutte contre le terrorisme et pour la non-prolifération des armes de destruction massive. Cela dit, la Russie est une puissance nucléaire. Autant que certains membres de l'alliance. On reconnaît qu'entre les deux parties il existe des divergences. Une question embarrassante : la Russie va-t-elle adhérer à l'Otan ? Les experts, analystes et spécialistes, rencontrés au QG de Bruxelles, n'ont pas de réponse claire. Certains disent que rien n'est impossible, l'une des devises, adoptées ici, étant de savoir «ne pas dire non» (don't say no). D'autres estiment qu'on peut toujours rêver… L'Otan a tout de même ouvert une mission de liaison militaire à Moscou et un bureau d'information. La Russie s'est, elle, installée à l'avenue de Fré à Bruxelles. Autant parler «d'une petite révolution» puisqu'il s'agit d'une mission officielle au sein de l'Otan. Des experts notent que la participation des éléments de l'ex-Armée rouge aux forces de maintien de la paix aux Balkans, des forces mandatées par l'ONU, a grandement contribué au rapprochement entre les deux parties. L'ouverture de l'espace aérien russe lors de l'offensive américaine contre l'Afghanistan, au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, a été vu comme un autre signe de vouloir «travailler ensemble». Le naufrage du sous-marin nucléaire russe Koursk, en août 2000, a conduit les militaires russes à penser qu'il était peut-être utile de solliciter l'expertise des alliés pour éviter de tels accidents. Il est entendu qu'une bonne partie de l'équipement militaire de l'ex-Union soviétique est «réformable». Réforme qui touche également le personnel puisque l'armée russe, face aux contraintes économiques, s'est mise à réduire ses effectifs. La réinsertion des militaires dégagés – signe important – est prise en charge par un centre, géré par l'Otan, installé au sein de la faculté d'économie de Moscou.
L'objectif : trouver de l'emploi aux anciens bidasses et du logement, quand c'est possible. La hantise à l'Ouest demeure, en fait, la même : la possibilité que d'anciens militaires, experts en armement ou pas, soient pris par la tentation de verser dans le travail parallèle. La mafia russe a une réputation qui dépasse les frontières. Et les éventuelles ramifications avec d'autres structures de type criminel sont envisageables pour un pays entouré de foyers d'instabilité. Avec l'Ukraine, l'Otan a établi une charte de «partenariat spécifique» en 1997. L'alliance s'est engagée à soutenir «l'indépendance et l'intégrité territoriale» de l'Ukraine. L'Otan a apprécié la contribution de Kiev dans le démantèlement des armes nucléaires basées sur ses terres.
Un dialogue autour d'une mer
Parallèlement au travail étroit avec la Russie et l'Ukraine, l'Otan s'est mise à regarder vers la rive sud de la Méditerranée. D'un regard sûr. Le dialogue Méditerranée (DM) a été lancé en 1995. Dans un premier temps, cette initiative a concerné le Maroc, la Tunisie, l'Egypte, la Mauritanie, la Jordanie et Israël. A partir de février 2000, l'Algérie a rejoint le dialogue. Livrée à un climat de tension interne, l'Algérie n'était pas «éligible» au dialogue, comme nous l'a expliqué un conseiller du SG de l'Otan. «L'arrivée de ce pays au dialogue a été d'un grand apport à notre initiative», souligne un expert au fait du dossier. Ce dialogue comprend des aspects politiques et militaires. En termes techniques, les spécialistes de l'Otan parlent de «coopération pratique» et d'«interopérabilité». L'alliance a démarré de l'idée que la sécurité de l'Europe est liée à la stabilité dans la région méditerranéenne. «Au début, l'objectif principal du dialogue Méditerranée était de diminuer des malentendus et de commencer à créer une base de confiance. On ne se connaissait pas», explique James Appathurai. Le Britannique Jonathan Parish de la division politique et sécurité de l'alliance, qui loue les avantages du dialogue Méditerranée et de l'Initiative de coopération d'Istanbul (ICI), tient à dire que l'Otan n'est pas le gendarme du monde. «Et elle n'a pas la volonté de l'être», dit-il. Il souligne l'importance du DM en ce sens qu'il renforce les relations et permet aux partenaires de participer à des actions futures de l'Otan qui, plus que jamais, se défend comme «une organisation politico-militaire».
A la question de savoir qui a l'ascendant sur l'autre, le politique ou le militaire, un colonel italien, qui suit de près les questions méditerranéennes, estime que les politiques décident, les militaires exécutent. Et les politiques souhaitent surtout expliquer le travail, «les nouvelles missions» et les perspectives de l'alliance. Souvent des réunions multilatérales se tiennent à Bruxelles avec les représentants des sept pays du DM.
(A suivre)


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