Contrairement à la prédication de Francis Fukuyama, philosophe du libéralisme américain, l'Histoire n'a pas pris fin, elle semble même s'être engagée dans un chemin de traverse, inattendu celui-ci, au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Si l'Irak est dévasté, l'Afghanistan plus embourbé que jamais dans une guerre sans issue et, la Palestine, encore sous la férule sioniste, les USA ont, par contre, décidé de donner un autre visage d'eux-mêmes en élisant un homme de couleur à la magistrature suprême. Ainsi donc, l'Amérique, fer de lance de toute la civilisation occidentale, pour ne pas la qualifier uniquement de super puissance technologique, a permis, malgré elle, à ses hommes de couleur de prendre une vengeance sur l'histoire à un moment où le politologue transfuge, Fukuyama, pensait, au mépris de toute logique, que le libéralisme américain était parvenu à un point de non-retour. Déjà, en 1963, James Baldwin (1924-1987), cet écrivain noir new-yorkais, avait prédit dans son fameux brulot, Le feu, la prochaine fois, l'imminence d'un changement radical des USA. L'homme noir, disait-il en substance, ne peut garder, indéfiniment, le même statut inférieur, quitte à recourir à la violence. Dans la même foulée, mais en plus modéré, Martin Luther King devait entreprendre sa fameuse marche anti-raciale en direction de Washington pour mourir, assassiné en 1968, sans pour autant réussir à concrétiser le rêve de liberté qu'il caressait sans cesse depuis les années cinquante. En bref, Baldwin qui fut contraint à un exil sociopolitique en France, radicalement différent de celui des écrivains américains de la « génération perdue » dans les années vingt, dut vivre, de loin, la misère de ses frères noirs, rongeant ainsi son frein et tenant, en même temps, le rôle du loup mortellement blessé. Il eut même à subir la misère des émigrés algériens et souffrir, à leur côté, des descentes de la police française qui lui rappelaient les exactions de la police américaine du temps où il vivait à Harlem. Qu'elle serait, aujourd'hui, la réaction de James Baldwin, en voyant un de ses frères de couleur, à la tête des USA ? Lui, qui était à la recherche d'un appui sociopolitique, n'avait pas hésité à prendre parti en faveur de William Styron (1925-2006), écrivain décrié autant par les Noirs que par les blancs. Celui-ci avait eu le courage, au pire moment du confit racial dans les années soixante, de se pencher sur le problème des noirs, à travers son fameux roman, Les confessions de Nat Turner dans lequel il fit l'historique de la première révolte déclenchée par un esclave en 1831. Ce vent de changement qui balaie, aujourd'hui, le champ de l'Occident classique, continuera-t-il à souffler dans les années à venir ? Et, verra-t-on, un jour, un homme de couleur à la tête du Vatican ?