Sur fond de grèves et de manifestations populaires contre la vie chère, l'ordre cinématographique règne à Ouaga, capitale du Burkina. Au moins vingt films se lancent à la conquête du grand prix, l'Etalon de Yennenga, qui sera remis le 7 mars prochain par le jury présidé par le cinéaste G. Kaboré. Ouagadougou (Burkina Faso) : De notre envoyé spécial Le Fespaco a d'ailleurs multiplié les prix et il est possible qu'après les pacifiques affrontements dans les salles obscures de Ouaga, tous ces films repartiront avec une statuette tels que Mascarade, La Maison jaune, Les démons du Caire, Téza, L'autre moitié du ciel… Alors qu'un colloque est organisé pour disserter sur le thème « cinéma, tourisme et patrimoines culturels », le Fespaco a aussi multiplié les hommages à Sembene Ousmane (une rue de Ouaga portera son nom), à Winnie Mandela, Danny Glover… et aux anciens lauréats de l'Etalon comme Oumarou Ganda, Brahim Tsaki, Souheil Ben Barka, Souleimane Cissé et d'autres. Leurs films seront projetés à la cinémathèque. Le plus curieux est le choix du parrain du Fespaco, cette année, qui n'a rien à voir avec le cinéma. Il s'agit de cheikh Modibo Diarra, un ancien de la Nasa américaine qui préside aujourd'hui Microsoft-afrique et l'université virtuelle africaine. Bobo Dioulasso, la seconde ville du Burkina, a opté pour un « mini-Fespaco Bobo » avec projections de films, colloques sur la lutte contre la piraterie et le marché de productions dans le sillon de celui de Ouaga. Débarquant du vol d'Air Algérie dans la nuit opaque de Ouaga, à vrai dire ce n'était pas un bain de jouvence… Déjà, quand l'hôtesse de l'air (turque !) a annoncé la température au sol, on a senti un vent de panique. Parquée derrière des barrières, comme dans un ring, une foule attendait mystérieusement dans la fournaise. Des marchands ambulants essaient de vendre des objets en toc. Des taxis, dont l'âge avancé est évident, étaient là aussi comme à chaque atterrissage. Le Fespaco ne déroule pas le tapis rouge aux arrivants. Juste une petite pancarte et un passage éclair dans un salon, qui a dû être le même il y a vingt ans, pour les formalités et à nous l'Afrique… Passé minuit, Ouaga est désert. Les gens ne traînent pas dans les rues. Certains dorment dehors faute, sans doute, de climatiseur. Autour du grand marché, des oiseaux noirs foncent sur les restes de viandes et de poissons pourris. Le Fespaco n'a pas été coopératif du tout. A nous de trouver un hôtel dans cette cité déserte à cette heure tardive de la nuit. L'hôtel Ran finalement ne manque pas de pittoresque. Un peu comme le Gourara de Timimoun. Mais avec en plus une piscine remplie et propre… Amère surprise le lendemain, quand, dans le chaos ambiant du siège du Fespaco, on s'aperçoit que ni les badges ni le catalogue des programmes ne sont prêts encore. Cette structure du festival ressemble à une usine paralysée par une grève soudaine. Un désordre total. Alors que le Fespaco budgétivore, grâce aux dons importants qu'il reçoit de l'étranger, aurait pu faire des efforts d'organisation et d'accueil. On repense avec déplaisir à la grande efficacité du festival d'Oran.