De forte constitution physique, A. Djilali, âgé de 30 ans, donne l'impression d'être très à l'aise dans sa tenue de sport flambant neuve en se présentant devant le prétoire, torse bombé, bras ballants et jambes écartées. Il corrige prestement son attitude lorsque le président du tribunal lui lance un regard désapprobateur. Ses yeux bridés et mobiles lui ont valu le surnom de « Japonais » dans le milieu de la délinquance. Son visage impassible au teint mat est indéchiffrable. En se référant au chef d'accusation de coups et blessures volontaires ayant entraîné une incapacité de travail, l'affaire semble, de prime abord, être liée à une bagarre banale. Mais il s'agit en réalité d'une première qui venait de défrayer la chronique judiciaire. L'accusé, un repris de justice notoire réputé pour son caractère violent, n'est autre qu'un tueur à gage. Il traîne derrière lui un lugubre palmarès en matière d'antécédents judiciaires. Son casier judiciaire fait, en effet, état de 15 jugements pour différents délits. L'acte d'accusation fait pâlir de jalousie les scénaristes de films de séries noires. Le crime a été commandité à partir de la maison d'arrêt d'Oran par un autre repris de justice aussi notoire, qui purge une lourde peine de prison. La victime, T. Saïd, âgée de 31 ans, est également connue par les services de police comme étant un membre d'un gang écumant la capitale de l'ouest. Teint mat, visage sillonné par des cicatrices laissées par des lames de couteau, courtaud et portant un grand caban rouge sang, T. Saïd, donne l'impression de narguer l'accusé. Il ôte un gant et exhibe sa main droite amputée de trois doigts sous le nez de son bourreau, qui affiche un rictus sur son visage. « Regardez monsieur le juge. J'ai tenté de me protéger avec mon bras. Il était armé d'une épée et je serais mort si je n'avais pas réussi à prendre la fuite », martèle-t-il. Selon les faits consignés dans l'arrêt de renvoi, l'accusé a été chargé, dans un premier temps, par un ex-codétenu, de convaincre la victime de « revoir » ses déclarations dans une affaire de délits de droits communs où ce trio d'enfer serait impliqué. La victime aurait manifesté sa désapprobation. Tôt dans la matinée du 27 novembre de l'année écoulée, vers 5h, A. Djilali se présente au domicile de T. Saïd, sis dans le bourg d'El Hassi, à la sortie nord-ouest de la ville. Il avait été chargé de liquider physiquement ce témoin gênant. C'est la mère de la victime qui a ouvert la porte. L'accusé lui aurait laissé entendre qu'il s'agissait d'une urgence. Dès que T. Saïd a montré le bout du nez, le tueur à gages, qui s'était caché dans une encoignure, s'est rué sur lui armé d'une épée. Sans lui laisser le temps de réagir, il lui assène un coup à la tête et sur différentes parties du corps. Dans un ultime réflexe de survie, la victime recula à l'intérieur de sa maison et s'enferma à double tours. « Qu'avez-vous à dire pour votre défense ? », interroge le président. « Cet homme fabule, c'est la première fois que je le vois. Je ne sais pas pourquoi il m'accuse », répond l'accusé en lançant furtivement un regard chargé de haine à la victime qui se tenait volontairement à l'écart. « Le tribunal dispose de témoignages prouvant votre culpabilité », fait remarquer le magistrat. Le représentant du ministère public a requis le maintien de la peine initiale prononcée en première instance par le tribunal correctionnel de la cité Djamel. L'accusé avait écopé à l'issue d'un premier procès de 3 ans de prison ferme. L'avocat de la défense a plaidé le bénéfice des circonstances atténuantes, requête rejetée lors des délibérations. La cour d'appel a maintenu la peine requise par le représentant du ministère public.