Si d'après les premiers éléments de l'enquête, des soupçons pèsent sur des sujets britanniques d'origine étrangère et de confession musulmane, ce serait une grave dérive de mettre la communauté musulmane entière à l'index. Or, c'est justement cette communauté qui est visée à travers certaines mesures prises en Grande-Bretagne et certains comportements enregistrés aux Etats-Unis et en Espagne. En Grande-Bretagne, un journal annonce la création par le gouvernement de brigades spéciales de police chargées de surveiller et de contrôler les musulmans pour, disent des sources, réunir le maximum d'informations sur la propension à l'extrémisme au sein de cette communauté (2) En attendant, la police Scotland Yard a donné l'ordre de tirer à vue sur tout suspect (3). Ce plan n'a pas tardé à entrer en action. Le 22 juillet 2005, au lendemain du deuxième attentat du métro de Londres, un suspect au teint brun est abattu par la police d'une balle dans la tête. Identifiée, la victime est un Brésilien qui n'a aucun rapport avec les attentats. C'est un assassinat. Aux Etats-Unis, un sénateur républicain de l'Etat du Colorado, répondant dans une émission radiodiffusée sur d'éventuelles mesures à prendre si l'Amérique était de nouveau attaquée, n'hésite pas à dire que l'une des mesures probables à prendre serait «la destruction de leurs Lieux Saints» (4). Prié de préciser s'il s'agit bien de La Mecque, il répond froidement «oui» (5) En Espagne, un détenu syrien, inculpé de lien avec un réseau terroriste a, le jour même, où se sont produits les attentats de Londres, fait l'objet d'une agression raciste par un groupe de détenus dans la prison de Castillone, bilan : fracture de la mâchoire, arrachement de dents et hémorragie oculaire, lésions qui ont nécessité son évacuation d'urgence à l'hôpital (6). Ces mesures et ces comportements dénotent, on ne peut mieux, l'amalgame souvent entretenu par les pays occidentaux en confondant terroristes et musulmans. En Grande-Bretagne d'abord, rien ne justifie la mise à l'index de la communauté musulmane, sa marginalisation et sa mise à l'écart par rapport aux autres communautés. Une telle attitude, si elle se concrétisait, violerait le principe de l'égalité de tous devant la loi et traduirait une présomption de culpabilité à la charge de la communauté musulmane qui viendrait fouler du pied, du coup, la présomption d'innocence universellement consacrée. Plus grave encore, la mesure projetée a un soubassement raciste, puisqu'elle met en accusation une communauté religieuse entière donnant à l'Islam une image perverse qui est loin d'être la sienne. N'est pas moins grave la déclaration du fameux sénateur de Floride qui se permet de justifier d'éventuelles attaques contre l'Amérique par la destruction des Lieux Saints de l'Islam. Certes, l'opinion est individuelle, mais elle n'est pas isolée puisque, révélatrice, elle traduit les idées de nombre de cercles occidentaux pour qui l'Islam est synonyme de terrorisme. C'est une vision étriquée qui traduit une myopie intellectuelle et qui reflète un amalgame à conséquences graves, celui d'attribuer d'office la violence à la religion islamique, réduisant ainsi ses membres à des terroristes potentiels. N'est pas moins grave aussi l'action punitive des prisonniers espagnols en hystérie dirigée contre le détenu syrien sans défense qui a subi une lâche agression au petit déjeuner après avoir essuyé une pluie d'insultes et de grossièretés. Cet épisode barbare ne décharge pas les autorités pénitentiaires espagnoles de leur responsabilité du moment que pèse sur elles le devoir de veiller à la sécurité physique et psychologique des détenus. Bien plus, la responsabilité des autorités pénitentiaires espagnoles est doublement engagée, quand on sait que le cas du Syrien a un précédent, celui de la mort par strangulation, il y a quelques mois, d'un Algérien dans les toilettes d'une prison dans le nord de l'Espagne. Tous ces exemples et beaucoup d'autres montrent à quel point les milieux occidentaux entretiennent un amalgame préjudiciable à la religion musulmane en mettant en accusation une communauté religieuse entière au nom de considérations sécuritaires qui exigent l'action au cas par cas, voire au nom de la pratique de la justice personnelle qui relève des temps passés. Notes de renvoi : – (1) Cf El Watan, 21 juillet 2005 – (2) Op.cit et El Khabar, 21 juillet 2005 – (3) El Khabar, 24 juillet 2005 – (4) Op.cit, 21 juillet 2005 – (5) Idem (6) Op.cit, 18 juillet 2005.