Rien ne va plus dans le monde économique à Annaba. L'une après l'autre, des sociétés privées ferment pour cause de faillite, sont mises sous scellés ou vendues aux enchères. D'autres, comme les trois sociétés privées de production de bitume oxydé, telle la Société bitume de l'Est (SBE) à Berrahal, Industrie générale du bitume Sétif (IGBH) et celle de moindre envergure implantée à Mostaganem, sont menacées de liquidation. Faute de matières premières, leurs équipements de production sont à l'arrêt. Leurs gérants envisagent sérieusement de mettre définitivement au chômage quelque 1000 travailleurs en amont et en aval de leurs activités. Des mouvements similaires sont annoncés dans le monde de la pêche et de l'agroalimentaire. Il se développe même une tendance inhabituelle que l'on pourrait nommer le consensus de la mise en faillite et de la dissolution. Sous la pression des banques, leurs créancières, des conserveries ont déjà fermé leurs portes. D'autres seront mises en vente aux enchères publiques dans peu de temps. La malheureuse expérience sera vécue ce 29 janvier par le propriétaire de la Conserverie agroalimentaire SARL Benazzouz (CAB) à Skikda. Déclarée en faillite sur décision de justice, tous les biens de la CAB seront vendus. Plusieurs centaines de familles assistent impuissantes au va-et-vient de l'huissier de justice et de potentiels acquéreurs. « Cette conserverie était notre seule ressource. Elle faisait le bonheur de toutes les familles de la localité de Benazzouz et de beaucoup d'autres dans la wilaya de Skikda. Cela fait des mois qu'elle périclitait pour atteindre le point de non-retour avec la saisie et prochainement la vente de l'ensemble de ses biens. Déjà que nous n'avons pas de quoi subvenir aux besoins élémentaires de nos familles, nous n'allons pas faire le sacrifice du mouton de l'Aïd », ont indiqué plusieurs anciens travailleurs de cette conserverie dont Abdelmadjid Labadi. Autant que nombre de ses camarades, il avait été licencié, faute de production. Hanafi Faouzi, président d'ACTOM, explique cette situation par la pression exercée par les banques sur les conserveurs. « Il est indispensable que les banques continuent à soutenir les conserveurs, actuellement dans une mauvaise passe. C'est un combat que nous engageons. Plus que jamais, nous avons besoin de la compréhension et du soutien des responsables au niveau de nos banques. Cette mise en faillite d'une des conserveries en annonce d'autres », a-t-il argumenté. C'est dans le même ordre d'idées qu'est intervenu M. Zaïm, un des dix-sept conserveurs de la région : « Lors de la réunion qui avait été présidée par le wali à la chambre de commerce, j'avais annoncé que si rien n'est fait, la production nationale de concentré de tomates disparaîtra et avec elle 125 000 postes de travail et 25 000 agriculteurs. Aujourd'hui, le processus de cette disparition est enclenché. » Considérée comme étant une des plus importantes du pays, la minoterie Liana est confrontée à une situation de faillite tout autant que les producteurs de pâtes alimentaires et gâteaux secs. Cette situation a entraîné la disparition de quelque 3000 postes de travail. Plusieurs centaines d'autres devraient suivre dans les prochains jours au regard des turbulences enregistrées dans le monde du lait et de ses dérivés, le secteur de la verrerie et celui de la quincaillerie. Toutes ces fermetures, mises en faillite et turbulences ont plongé la communauté industrielle nationale dans une atmosphère de veillée d'armes. Ces derniers mois, les opérateurs économiques parlent de plus en plus d'« opérations de sabotage économique planifiées » et d'« opérations préméditées d'atteinte aux intérêts vitaux de notre industrie ». Déclarations que corroborent la multiplication des saisies de biens et équipements de production, des conserveries percluses de dettes, la promptitude des banques à saisir et à vendre les biens des conserveries aux enchères publiques, l'industrie du bitume du secteur privé en butte à une tentative de liquidation. Après l'agroalimentaire, l'industrie du bitume pourrait tomber à très court terme. Depuis plus d'un mois, les deux plus importantes unités de production privées de bitume à Annaba et à Sétif sur les trois existantes sont à l'arrêt. Une question de lourdeur dans la procédure de paiement mise en application par leur fournisseur, une entreprise publique, en est à l'origine. Toutes se sont heurtées au conservatisme et à la politique de deux poids, deux mesures appliquée par le fournisseur de matières premières. « Ils refusent le paiement cash, par chèque bancaire certifié et toute autre forme de paiement sauf le virement bancaire télégraphique. Bien que nous ayons appliqué cette procédure, vingt jours plus tard, nous n'avons toujours pas de matières premières. On cherche à nous couler », a affirmé Amara Hadjadji, directeur général de SBE.