A l'heure de la campagne, dont les candidats à la présidentielle battent le pavé, chacun des QG de ces derniers s'y plaît à chiper l'espace réservé à l'affichage de l'autre, à prendre ce qui ne lui appartient pas. Une image qui, dans la foulée, illustre que rien ne va plus dans la cité. Une cité qu'on rogne, qu'on rapetisse et qu'on vole à loisir. Un marché informel qui congestionne le passage piéton, une procession de petits revendeurs qui vous squattent une rue, le boutiquier du coin qui annexe un cul-de-sac, des trottoirs « colonisés » par des échoppes de fortune disposées en enfilade, un couloir sur lequel le voisin du rez-de-jardin fait main basse, des rues carrossables entièrement coupées à l'usage automobile. On s'arroge aussi le droit de planter des bornes blindées le long du parcours de son quartier, aux abords de son établissement, qu'il soit privé ou étatique. On y installe des vigiles qui vous rabrouent dès que vous vous arrêtez pour prendre votre copain à quelques mètres de la résidence d'un ponte. On interdit, on défend, on râle, on barricade tout en faisant de la résistance pour empêcher le quidam de traverser tel ou tel corridor menant à un parc public ou vers un cimetière. Tout le monde a son petit « bled » dans sa tête. On y habite la demeure, mais on gère le parcours censé être d'utilité publique comme le foncier du beylek. Et l'usage finira par se transformer en loi. Gare à celui qui osera s'aventurer le long de quelque tronçon de la voie publique censée être gérée par les collectivités locales. Il entendra des vertes et des pas mûres. C'est le cas de l'entrée d'un lotissement sis à Birkhadem où le comble de l'absurdité n'est pas un vain mot. Un portail s'annonce au pas de la cité qui, bien qu'elle ne soit pas un passage obligé, reste une voie communale. Après la porte dite « Bab St-Eugène », plantée, l'on se rappelle au début des années 1990, au beau milieu de la route Abdelkader Ziar, par de bien-pensants avant que les autorités ne s'aperçoivent de l'aberration, voilà que l'idée inspire des concitoyens qui ont trouvé la parade pour dissuader les automobilistes de garer leurs bagnoles dans leur cité : boucler le passage à double battant. Cela vous donne la berlue, vous éberlue, vous laisse interloqué, médusé, mais c'est le décor qu'on tient à inscrire dans nos espaces davantage ruralisés. Au fait, pourquoi ne pas penser à instituer une journée baptisée journée des... barricades ?