Il est 11h45 au service d'hématologie du CHU de Tizi Ouzou. En ce mardi, derrière la porte métallique qui sépare la salle d'attente et le service médical, une cinquantaine de patients attendent leur tour pour les consultations. En dépit des aménagements et les avancées qualitatives et quantitatives dans la prise en charge des malades, l'acquisition d'un matériel de pointe et l'exercice d'opérations chirurgicales spécialisées, il n'en demeure pas moins qu'au niveau des services, l'accueil, les moyens et la rigueur font défaut. « Je suis venu pour prendre rendez-vous vers 8h, ce matin. Je n'arrête pas, depuis tout à l'heure de demander ce qu'il est advenu de mon cas, mais aucun des infirmiers n'y a prêté attention », se lamente une vieille femme, accompagnant sa fille pour obtenir un rendez-vous, afin d'effectuer des analyses médicales. « Quand j'ai demandé à récupérer ma lettre, l'infirmier me dit qu'il vaut mieux la laisser à notre niveau. Ce genre d'analyses ne se font pas chez le privé, se contente-t-on de me répondre ». Déçue, la jeune fille, atteinte d'une anémie (appauvrissement de sang en globules rouges) regrette : « A entendre ces propos, on se dit forcément que nous n'avons pas le choix et nous sommes contraints de subir ce type de fonctionnement, puisque de toutes les façons, nous n'avons pas les moyens pour aller dans un centre privé ». L'occasion nous a été donnée de le constater sur les lieux. Dans l'autre côté, une vieille femme fiévreuse, à qui on prend la température corporelle est allongée sur une civière dans le couloir. Dans cet espace de 6 m2, une autre dame gémit silencieusement sur un fauteuil roulant. « J'ai ramené ma mère pour une prise de sang. Nous attendons depuis le début de matinée et voila qu'il est près de midi. On a vraiment l'impression que nous sommes oubliés ». Interrogé sur le nombre de personnes ayant remis une lettre en vue de fixer un rendez-vous, l'infirmier de service dit : « Le médecin concerné est absent. » Il est midi. Les patients apprennent que leur médecin s'est absenté durant toute la matinée. Il faut alors revenir le lendemain. Une vive tension s'empare des présents. « Pourquoi vous restez jusqu'à midi pour le dire, alors que vous le saviez dès le début ! », s'écria un homme contenant mal ses nerfs. Les patients tournent en rond, cherchant une explication dans les yeux d'autres patients. Dans la mêlée, un parent d'un patient se faufile à travers la foule en courant. « J'ai besoin d'un fauteuil pour déplacer un malade. Il est dans la voiture, il ne peut pas marcher », demande-t-il, inquiet. « Nous n'avons pas assez de chaises roulantes, monsieur ! Que voulez- vous que je vous fasse, moi ? », répond un homme en blouse bleue. Désormais, les cas urgents sont traités au même titre que les autres consultations puisqu'on demande de patienter. Ainsi est rythmé le fonctionnement de certains services hospitaliers. Les malades et leurs accompagnateurs subissent le manque de personnels. L'absence d'un médecin n'est même pas annoncée aux malades. Des parents s'ingénient à trouver une chaise roulante pour faire entrer un malade en urgence se tordant de douleur.