L'ancien marché de Sebâa Ouachrine de la ville de Béjaïa, situé à l'entame de la Plaine, n'existe dans le fait aujourd'hui que par le nom. Autrefois bouillonnant point commercial, jonction entre les quartiers populeux de la haute ville et ceux de la Plaine, il connut une grande animation tant devant les échoppes sises à l'intérieur et à l'extérieur de la bâtisse qu'entre les étals disposés à même la voie publique. Dans l'histoire de la ville cela remonte à loin que les lieux connaissaient déjà une fréquentation record. Mais voilà que vers 1987, piquée on ne sait par quelle mouche, l'autorité décida de démolir l'édifice pour soi-disant construire à la place un marché sur deux niveaux. On délocalise momentanément les occupants. Le résultat à l'arrivée est franchement pitoyable : une allure de bunker pour architecture et une désaffection du public. De 46 commerces fonctionnels auparavant, seuls six défient cette sinistre nature et demeurent en les lieux. Tous les autres, la clientèle faisant défaut, ont préféré fermer rideau. En 1998, l'APC lance l'opération « relance des espaces économiques ». Mais c'est l'échec pour Sebâa Ouachrine. L'APC est intransigeante. Des mises en demeure sont adressées en 1999 aux exploitants. Ils sont sommés d'ouvrir leurs commerces. Personne n'obtempère. Certains attribuent le désintérêt à la concurrence du marché de plein air de Souk El Asr alors que d'autres évoquent l'insécurité et l'insalubrité. La commune ressort du tiroir le dossier début 2008. Un constat d'abandon est établi par un huissier de justice en juin de la même année. Et dans les délibérations de l'assemblée ordinaire du 3 décembre 2008 figure l'annulation de toutes les décisions d'attribution pour les locaux non exploités. Il est clair qu'après réappropriation par la commune, un édifice aussi volumineux ne peut être gardé en l'état pour ne voir exploiter que six locaux. Est-il alors envisagé réaffectation ou démolition ? Selon M. Mouhoubi, président de la commission économie et finances, « vu le projet de 90 logements inscrit dans le programme de résorption de l'habitat précaire sur une assiette de terrain mitoyen, une réaffectation d'utilité publique intégrée à la nouvelle configuration du quartier est fort probable ». En attendant, les hardis occupants qui bravent les aléas cités n'ont pas arrêté de solliciter l'intervention des autorités. Sur, d'abord, un manque de sécurité. L'un des portails ne se ferme pas, ce qui explique la forte odeur d'urine qui nous accueille au niveau de la cage d'escalier. Pourtant, les exploitants « ne cessent de réparer eux même la serrure ». Ouverts à tous les vents, les lieux sont devenus « un dortoir et un lieu de dépravation ». En temps de pluie, les plafonds deviennent une passoire et les balcons une patinoire. Les exploitants demandent tout simplement ou un transfert définitif vers des pôles commerciaux plus cléments ou à défaut, transitoirement, une réaffectation vers les locaux situés au rez-de-chaussée et donnant sur la voie publique. C'est en substance ce qui a été suggéré dans les lettres adressées le mois écoulé au P/APC et au wali, rappelant l'avis favorable pour le transfert émis par les commissions dépêchées par la commune et la daïra. Aux origines de Sebâa Ouachrine En fait, l'appellation Sebâa Ouachrine procède du sacré car ayant pour origine la réservation de ce plateau contigu à l'enceinte de la citadelle Hammadide aux caravanes affluant de toutes les contrées du Maghreb pour communier la nuit sacrée de Leilet El Qadr. L'administration coloniale érige une cité « évolutive » de maisonnettes individuelles et un marché, le tout unifié sur un seul niveau. Les échoppes au nombre d'une cinquantaine, dont la plus grande fera plus tard office de café, cernaient en triangle une cour qui disposait à l'une des extrémités d'une fontaine et de sanitaires. Les murs en brique pleine rouge faisaient penser aux marchés couverts style empire britannique.