A la rue Bouzrina, dans La Basse Casbah, à la rue Ben M'Hidi, à Alger-Centre, ou encore dans les rues de Sidi M'hamed et d'El Harrach, il n'est pas rare de voir ce genre de scènes : des personnes de tous âges farfouillant dans les bacs à ordures. « J'en ai vu tellement que j'ai décidé de ne plus passer par la rue d'Isly (ben M'hidi). C'est désolant mais surtout inhumain de voir des gens manger ce que jettent les autres. Je croyais ces temps révolus mais ce phénomène revient de plus belle, favorisé par la misère et la dégradation des conditions de vie. Pourtant, l'algérien ne peut pas laisser des gens mourir de faim », se désole Khaled, fonctionnaire dans l'une des rares entreprises publiques encore ouvertes dans la périphérie de la capitale, qui « descend » dans l'un des dortoirs infects de la rue Tanger (Chaïb Ahmed), où se retrouvent le soir des personnes venues de toutes les wilayas du pays. Pour ces personnes tout est bon à mettre sous la dent : du pain rassis plein de moisissures, des restes de fruits pourris ou des conserves périmés. « N'ayons pas peur des mots, c'est une vie de chien. Ces personnes apparaissent le soir, quand il n' y a pas trop de monde. Mais les plus hardis, on les retrouve la journée se disputant les quelques sachets éventrés », soutient-il. Des « fouilleurs » qui ne sont pas tous des malades mentaux, mais des gens normaux qui n'ont plus le sou pour s'offrir les restos d'Alger. « La vie est tellement chère que ces gens, même s'ils ne vont pas dans les friperie de Hassiba, mangent pour rien sans rien débourser ». Ces jours-ci, ils sont bousculés, par les jobards qui s'occupent de l'affichage des portraits du candidat-président la nuit. « Il arrive que des jeunes les poursuivent ou leur jettent des sachets au visage, mais une fois ces jeunes partis, ils reviennent à la même place ou choisissent d'autres bacs », soutient Sid Ahmed, vendeur dans un magasin de vêtements à la rue Didouche que « ce spectacle désole ». Mais Alger, ce n'est pas seulement ces « fouilleurs » de bacs à ordures, c'est aussi ces personnes de tous âges qui ne trouvent pas où dormir la nuit. Etendus à même le trottoir, ces sans-logis se prémunissent contre le froid glacial en utilisant des cartons. Le nombre de SDF est important dans toutes les rues en dehors du centre de la ville ou sur le boulevard Amirouche à Alger-Centre qui a été « assainie » un temps. De rares personnes se réunissent le soir dans cette partie de la ville où se trouve le siège de la sûreté de wilaya d'Alger. « C'est l'endroit où se réfugient les femmes, mais surtout des mendiants qui craignent que leur pécule ne leur soit subtilisé. Ils se réunissent par dizaines dans le hall de la Bourse ou entassés dans le couloir de la banque extérieure », déclare Slimane qui s'est retrouvé dans la rue à cause de problèmes familiaux. Originaire de Belouizdad, il n'est pas resté dans son quartier trop longtemps et a versé, assure-t-il, dans le trafic de drogue. « Je me suis retrouvé dans la rue à fréquenter des déracinés, des jeunes qui ont perdu leurs parents, raconte-t-il en affirmant qu'il a changé en devenant un ''indic'' de la police et dénonce toutes les dépravations ».