La résolution définitive de la crise des années 1990 semble passer inéluctablement par une amnistie générale. Après l'avoir évoqué pour la première fois dans son discours de campagne à Tamanrasset, le président candidat a tenté, hier à la coupole du complexe olympique Mohamed Boudiaf à Alger, d'apporter quelques précisions. Des précisions qui sonnent comme une volonté d'aller vers un tel projet. « Si cela s'avère nécessaire, nous n'hésiterons pas à soumettre cette question à référendum pour permettre au peuple de dire son mot et trancher, de manière claire et souveraine, ce sujet », fulmine-t-il. Ainsi, s'il ne le confirme pas, l'auteur de la concorde civile et de la réconciliation nationale n'exclut pas un projet d'amnistie générale. Il promet, cependant, de consolider et d'approfondir la réconciliation nationale pour le « bien » de la nation, sa sécurité et sa paix. Mais il n'explique pas ce qu'il entend par cet « approfondissement » de la réconciliation. L'effacement de toutes les traces de la décennie noire ? Remettre le compteur à zéro ? Personne ne le sait. Devant une assistance composée majoritairement de jeunes qu'on a visiblement fait venir de campus universitaires et de lycées, le président candidat jure, et ce n'est pas la première fois, qu'il éradiquera les terroristes qui refuseraient de déposer les armes et de se rendre aux services de sécurité, lui qui n'a cessé de proroger le délai fixé aux terroristes voulant se repentir, l'inscrivant dans l'infini. Il précise ainsi que ceux qui persistent dans la voie de la violence seront combattus avec « la plus grande vigueur » et trouveront sur leur chemin les forces de l'Armée nationale populaire et les autres services de sécurité, voire le peuple. Une promesse déjà entendue. M. Bouteflika ne se contente pas du volet sécuritaire pour clore sa campagne. Il revient sur les « réalisations » effectuées durant ses deux premiers mandats. Tout souriant, il se lance dans un bilan chiffré. Face au désintérêt de l'assistance, le président candidat change de « méthode » en abandonnant son discours écrit et adoptant un langage populiste qu'il affectionne le plus. « Mon discours écrit, je le laisse pour la presse écrite. Et puisque c'est ce que vous voulez, je vais vider mon cœur », lâche-t-il devant l'assistance qui lance des youyous et des « tahia Bouteflika ». « Aujourd'hui, c'est la majorité du peuple qui doit décider si je dois rester ou non à la tête de l'Etat. Choisissez entre la continuité ou le changement. Si vous voulez la continuité, vous savez ce que cela signifie ; sinon, vous êtes libres de votre choix », tonne-t-il. S'il est sûr de passer le cap du 9 avril, puisque tout a été ficelé le 12 novembre 2008, le président candidat craint tout de même un faible taux de participation. Et il le fait savoir. « Vous m'avez soutenu quatre fois, durant la présidentielle de 1999 et celle de 2004, lors du référendum sur la concorde civile, en septembre 1999, et celui sur la réconciliation en septembre 2005. Si la majorité n'avait pas approuvé ces deux projets, je ne serais pas resté au pouvoir », souligne-t-il, espérant que le même « exploit » se reproduira lors de ce scrutin présidentiel. Le président candidat ne va visiblement pas se contenter des 85% qu'on lui a donnés en 2004. Il veut une majorité écrasante, à la soviétique. « Le monde entier nous regarde et si le peuple algérien veut prouver qu'il s'intéresse à la politique dans son pays, il doit le dire en toute clarté le 9 avril », clame-t-il, lui qui se targue d'avoir eu, partout où sa campagne l'a conduit, un « accueil » dont il n'a jamais rêvé. Il semble, cependant, être marqué beaucoup plus par son passage à Béjaïa et à Tizi Ouzou. « Toute l'Algérie m'a accueilli avec l'hospitalité connue de notre peuple. J'ai visité les wilayas de Béjaïa et de Tizi Ouzou, et malgré tout ce qui a été dit sur cette région, j'y ai reçu un accueil typiquement national algérien, digne d'une population qui a tout donné à son pays », soutient-il. Il promet ainsi de résoudre tous les problèmes, qu'ils soient d'ordre culturel ou social, lui qui a dit ne pas savoir, huit ans après, ce qui s'est réellement passé lors des événements qui ont secoué la Kabylie en 2001. Evoquant l'amazighité, M. Bouteflika affirme que le peuple est à la fois amazigh, musulman et arabe. Cela, il le dit pour « conserver » l'unité nationale. En vantant la « grandeur du peuple », le président candidat lance un appel aux jeunes pour qu'ils soient la fierté de leur pays. « L'Algérie a besoin de médailles, d'une équipe de football et de fierté », tonne-t-il. Sur un autre volet, M. Bouteflika relève le manque de civisme chez certains citoyens qui, selon lui, construisent des villas sans tenir compte de l'esthétique. « L'Algérie n'appartient pas à une ou à un groupe de personnes. Elle appartient à tous les Algériens », lance-t-il. Cela avant de demander aux Algériens de ne pas s'interroger sur les signes de richesse des uns. « Certaines personnes lorsqu'elles voient une belle villa ou une jolie voiture se posent des questions. Mais en quoi cela vous regarde ! », dit-il. Ainsi, le président candidat invite les Algériens de ne plus chercher à comprendre comment certains parmi eux s'enrichissent rapidement au moment où la majorité baigne dans la pauvreté.