A la veille de la tenue de l'élection présidentielle du 9 avril, Karim Tabbou, dont le parti prône l'option du boycott, a tenu, hier, une conférence de presse pour annoncer sa décision d'effectuer un travail de contrôle sur le terrain du déroulement du scrutin. Le FFS, qui prévoit une abstention écrasante, entend par cette action de contrôle être présent sur le terrain ce 9 avril « pour démasquer cette récréation politique ». « Nous avons prévu un plan de collecte des données dans 37 points, dont 206 communes et 37 wilayas. Pas moins de 1030 militants du parti sont engagés sur le terrain pour rendre compte du déroulement du scrutin et le FFS annoncera les vrais résultats avant le ministère de l'Intérieur, du moins concernant les communes et wilayas que nous aurons contrôlées », explique Karim Tabbou, qui souligne les difficultés rencontrées par le FFS de faire campagne pour le boycott. Avant même les résultats du vote, Tabbou remet en question les chiffres avancés par Yazid Zerhouni sur le nombre d'électeurs qu'il qualifie de vrai défi à Pythagore. « Il y a dix ans, ce corps était constitué de 12 millions d'électeurs. Par quel miracle est il arrivé à 20,6 millions aujourd'hui ? », annonce-t-il en notant « qu'il faut être Zerhouni pour oser défier l'arithmétique ». Karim Tabbou souligne : « Nous avons décidé de mettre en lumière tous les détails sur ce qui se passera dans cette élection où une armée électorale a été mise en place par le régime. » Tabbou commence déjà par remettre en question le nombre de meetings tenus durant la campagne électorale : « Nous avons fait un récapitulatif de tous les articles de presse et trouvé que 87% des 12 000 meetings annoncés n'ont pas eu lieu », assène-t-il. Le jeune leader politique, qui n'a pas été à court d'adjectifs pour dénoncer un Etat qui est devenu « un comité de soutien », affirme que « tous les procédés d'intimidation dignes des pratiques staliniennes ont démasqué la peur de l'abstention. Si le Président avait réussi la réconciliation, il n'aurait pas mobilisé une armée entière pour se rendre dans une wilaya ». Et d'ajouter : « C'est même une élection qui n'a mobilisé que la police et la gendarmerie. Une mobilisation inhabituelle d'effectifs militaires est à signaler en Kabylie et à Ghardaïa. Il s'agit là d'une opération de persécution des populations. Nous refusons que le pays devienne un vaste commissariat. » Le premier secrétaire du FFS dénonce en outre « une véritable sous-traitance de la campagne avec la mafia locale. Tous les mafieux et ceux qui ont des problèmes de fiscalité, de régularité et de poursuites judiciaires se sont engagés dans l'armée électorale mise en place par le régime », a indiqué le chef politique, en qualifiant la situation de « vraie métastase mafieuse que seule une chimiothérapie démocratique très forte pourra éloigner ». C'est la raison pour laquelle, dira le même responsable, le FFS a eu recours à la rue. « Devant les intimidations, le chantage et la persécution, nous avons choisi de nous allier aux vrais maquisards de la démocratie, que sont ces citoyens qui refusent d'abdiquer », tonne-t-il, en notant en guise de preuve des blocages rencontrés par le FFS. « L'administration a refusé même de prendre nos demandes d'autorisation de tenir des meetings pour effacer toute trace de refus. » Karim Tabbou retient toutefois un point positif à cette « récréation politique », « elle a un seul mérite, celui de clarifier l'équation politique asphyxiante qui a pris en otages les Algériens depuis plus d'une décennie, l'équation militaire faisant face aux islamistes. Aujourd'hui, cette équation a disparu et l'armée et les islamistes ne sont plus qu'un. Aujourd'hui, nous sommes dans une confrontation entre le pouvoir et la population ». Le premier secrétaire du FFS estime que cette élection permettra à Bouteflika « d'être trois fois mal élu. Lui qui menaçait en 1999 de rentrer chez lui s'il n'a pas le score électoral de Zeroual, a décidé aujourd'hui de ne plus rentrer chez lui ». Interrogé sur le projet d'amnistie générale prôné par le président- candidat lors de sa campagne électorale, Karim Tabbou estime que « c'est le propre des organisations mafieuses de tendre à s'autoamnistier » et que « l'Algérie est le seul pays où on a tué 200 000 personnes, où on a fait disparaître 12 000 autres, sans que personne ne soit jugé ». Et d'ajouter : « Aujourd'hui, pour maintenir l'équilibre dans le pouvoir, on fait des promesses à tous les segments du pouvoir. Bouteflika a laissé les portes grandes ouvertes à tous les responsables de ce qui s'est passé pour une absolution de tous les crimes commis contre le peuple, que ce soit des crimes politiques ou économiques. »