Sourcils épilés, un anneau orné d'un petit motif accroché au lobe d'une oreille, cheveux souples lui tombant sur le front, B.Mohamed, âgé de 25 ans, un escogriffe moulé dans un survêtement, glapit à la barre d'une voix qui grince comme une craie sur l'ardoise : « J'offrais tout simplement du plaisir à ceux qui en étaient sevrés. Personne ne s'est plaint, bien au contraire, ils revenaient toujours pour en demander. Je n'ai jamais eu l'intention de transgresser la loi madame la présidente. » L'homosexuel passe une main sur son front perlé de sueur. Il a de grands demi-cercles de transpiration sous les bras. La magistrate l'interroge après avoir, apparemment, surmonté sa répulsion : « Et les photos érotiques sur votre téléphone portable ? » Un sourire narquois vacilla sur ses lèvres minces avant qu'il ne réplique : « Je satisfaisais une mignardise » La présidente s'adresse à sa co-accusée, L.Souad, 26 ans : « Pourquoi l'avez-vous laissé vous prendre en photo en tenue d'Eve ? Il ne vous a pourtant pas obligée à vous déshabiller ? » La prévenue ergote d'un ton rauque sans convaincre : « Je ne sais pas ce qui m'a pris. Je pensais que c'était un jeu. » Cela doit être le trottoir qui a pétrifié tout sentiment chez cette jeune femme au caractère morose et à la longue et opulente chevelure dont la couleur rappelle celle que prennent les châtaignes mûres. Son visage a ce petit air gamin qui fait tourner la tête des hommes, dans tous les sens du terme. A un moment donné, ses yeux noirs heurtent ceux de l'homosexuel avant qu'elle ne baisse la tête, probablement embarrassée, pour se consacrer à la contemplation de ses bouts de souliers. Le troisième mis en cause dans cette affaire d'incitation et de création d'un lieu de débauche, en l'occurrence T. R.Yousef, 33 ans, un petit brun au regard fuyant, portant des moustaches surplombées par un nez en bec d'aigle, clame à la barre : « Je suis innocent ! J'ignore tout de cette affaire. J'ai démissionné deux mois avant les faits. » Selon l'acte d'accusation, la genèse de cette affaire remonte au 9 février dernier et a eu pour théâtre un salon de coiffure pour dames, sis boulevard Larbi Ben M'hidi, en plein cœur d'Oran, où les accusés exerçaient leur métier le jour et s'adonnaient à des orgies le soir. Ce sont les locataires de l'immeuble mitoyen qui ont alerté les services de police. Une plainte a été également déposée en parallèle par la propriétaire du salon de coiffure au sujet des agissements immoraux des inculpés. Un véritable arsenal utilisé dans les films pornographiques, où B. Mohamed et L. Souad tenaient les principaux rôles, a été découvert lors d'une perquisition ayant ciblé les lieux. Les résultats des investigations ont fait ressortir que le local commercial s'est transformé en un lieu de débauche. Le représentant du ministère public a mis en évidence la gravité des faits avant de requérir une peine de 2 ans de prison ferme assortie d'une amende de 20 000 dinars pour chaque accusé. Les avocats de la défense ont plaidé l'acquittement. Au terme des délibérations, le tribunal correctionnel a condamné le 9 mars dernier B. Mohamed et Djamel Eddine à 18 mois de prison ferme, L. Souad à une année d'emprisonnement et a prononcé l'acquittement au bénéfice du doute en faveur de T.R.Yousef.