Nicolaï Vassiliévitch Gogol est né à Sorotchintsy, le 1er avril 1809. La Russie et le monde entier célèbrent cette année (2009) le 200e anniversaire de la naissance de cet écrivain génial. Gogol n'a vécu que quarante-trois ans, mais, en cet espace de temps relativement court, il a atteint les cimes de la gloire, dans son pays d'abord puis dans le monde entier. Vivant, il a exercé sur ses contemporains une influence bienfaisante, toute nouvelle, sur les plans littéraire et politique. Après sa mort, les grands écrivains du monde entier le considéraient, durant presque deux générations, comme leur pionnier dans la forme romanesque moderne. Anton Tchekhov disait : « Nous sommes tous sortis du Manteau de Gogol ». Le manteau ? Qui peut oublier cette nouvelle écrite par Gogol en 1841 et qui continue d'éblouir les lecteurs du monde entier depuis presque deux siècles ? A l'automne 1833, des nouvelles incroyables en provenance de l'Espagne défrayaient les journaux russes. Le 29 septembre, le roi Ferdinand VII était mort, après avoir désigné par testament sa fille de trois ans, Dôna Isabelle, pour accéder au trône. Le frère du roi, l'infant Don Carlos, n'accepta point cette décision. Il ne reconnut pas Dôna Isabelle et se proclama lui-même roi d'Espagne. Ce fut le début de la guerre civile dans ce pays. Ces événements, comme nous le savons, se sont reflétés dans la nouvelle de Gogol, Le journal d'un fou. Prenant à contre-pied la politique du tsar, basée sur « la discipline et la sagesse du peuple russe », Gogol a créé un personnage « fou » obsédé par l'idée d'obtenir un haut grade. Un personnage qui se confesse, qui se pose des questions sur « ces gens couverts de décorations… et pourtant, ils sont médiocres » (des gens qui n'ont pas plus d'intelligence dans le crâne que moi dans mon petit doigt !). Le « fou » critique « l'état de silence et de mutisme » qui règne dans la Russie tsarienne. « Il est fou de changements. » On sait que Gogol, dès ses premiers pas comme écrivain, rejoignit le parti « aristrocratique de Pouchkine et devient l'un des nouvellistes les plus en vue de Sovrémennik (Le Contemporain), la revue progressiste fondée par Pouchkine et dont la ligne éditoriale défendait les idées révolutionnaires et démocratiques. C'est dans cette revue qu'il a publié les nouvelles de son recueil Arabesques (Journal d'un fou, Perspective Nevski et Le portrait). Les nouvelles de Gogol sont des répliques aux « idées » de la presse pro-tsar qui propageaient « le calme, la sérénité et ‘‘le tout va bien'' dans la Russie des années 1830 ». Selon Khlestakov, le personnage principal du Revizor, une autre nouvelle de Gogol pleine d'idées révolutionnaires, cette presse tsarienne « parlait de toutes choses et semblait sur un pied amical avec tout ». Gogol a mis ses héros au-dessus de la presse tsarienne de l'époque et du milieu qui l'a engendré, tout en restant réaliste. Maître de la nouvelle, Gogol est aussi un phénomène du roman. Les Âmes mortes (1842-1852) a donné un sang nouveau au roman. Il l'a irrigué de cette modernité tant attendue. Les grands de la littérature universelle saluent, dans tous les pays du monde, ce génie à l'occasion du 200e anniversaire de sa naissance.