Reprenant sa casquette de premier magistrat du pays, après sa victoire à l'élection présidentielle du 9 avril, Abdelaziz Bouteflika redécouvre la réalité amère du terrain. La bureaucratie, la corruption, la détresse d'une jeunesse en chômage, la crise économique, les fléaux sociaux sont, entre autres, les maux qui gangrènent, selon lui, la société algérienne et auxquels il peine à trouver une solution appropriée. Mais pour ne pas sombrer totalement dans le négatif, Bouteflika veut redonner espoir, notamment à cette jeunesse partagée entre l'émigration clandestine, la tentation de l'émeute et le désir de rester dans un pays avec peu de perspectives. Il promet, à cet effet, la création de trois millions d'emplois sur les cinq ans à venir. Le chef de l'Etat est convaincu que l'emploi contribuera à faire disparaître le sentiment de découragement, de mal-être et de désespoir qui habite les jeunes. « C'est en pleine conscience de cette situation et de ces détresses particulières que j'ai fixé comme objectif central la création de trois millions d'emplois dans les cinq prochaines années », a indiqué le président Bouteflika, ajoutant qu'il veillera avec constance à ce que tous les moyens de l'action publique soient pleinement tendus vers la réalisation de cet objectif qui « permettra l'insertion professionnelle de la très grande majorité de nos jeunes et le l'ouverture de perspectives concrètes pour tous ». Le chef de l'Etat a réaffirmé également son engagement à lutter contre le favoritisme et la corruption. Evidemment, il peut paraître généreux et méritoire d'annoncer la création de trois millions de nouveaux postes d'emploi. Mais encore faudrait-il, au préalable, expliquer à la population la nature des emplois qui seront créés. Ceux-ci seront-ils durables ? Et puis, connaissant les limites structurelles de notre économie, il serait intéressant de savoir comment le Président s'y prendra pour mettre sur le marché les trois millions d'emplois promis. Une chose est sûre, las de subir les « expériences » des différents gouvernements, les jeunes attendent du concret et non des dispositifs qui ne leur garantissent pas toujours un emploi permanent. La formule Ansej a, certes, donné des résultats encourageants, mais elle reste insuffisante vu la masse de chômeurs qu'il y a, cela d'autant que l'agence enregistre un taux de déperdition de 5% des projets lancés par les promoteurs. De la coopérative immobilière à la microentreprise en passant par le microcrédit et le contrat de préemploi, l'Etat n'a cessé de tester des remèdes contre le chômage sans pour autant réussir à l'endiguer. Plus de 23,7% de la population active souffre du problème du chômage, ce qui représente plus de 2 millions de sans-emploi sur une population active estimée à 8 millions de personnes. Pis, la population qui occupe déjà un poste de travail recourt régulièrement à la contestation pour revendiquer des augmentations salariales en raison de la baisse vertigineuse du pouvoir d'achat. Alors, dans quel créneau Bouteflika va-t-il investir pour réussir son pari de créer 3 millions d'emplois ? Difficile à dire. En tout cas, cela ne sera pas une mince affaire. Cela, à moins de rééditer en Algérie le miracle asiatique.