Hier, les rues de la ville de Tizi Ouzou ont vibré au rythme des pas de milliers de marcheurs qui ont répondu à l'appel du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK). Une dizaine de milliers de manifestants ont scandé des slogans du mouvement autonomiste. La marche s'est déroulée dans le calme tandis que tout a fonctionné normalement à Tizi Ouzou. Il n'y a pas eu d'appel à la grève comme il est de coutume en pareille occasion. La célébration, cette année, des événements du 20 avril 1980 a été favorable au MAK, qui a réussi une véritable démonstration de force. Les sympathisants du mouvement eux-mêmes ont été surpris par une telle présence de manifestants. Ce qui semble être la locomotive du MAK, c'est sa section composée d'étudiants de l'université Mouloud Mammeri d'où la marche s'est ébranlée à 11h. Durant les 90 minutes qu'a duré la manifestation, des slogans hostiles au pouvoir ont été scandés. Pouvoir assassin, assa azekka, timanit thella thella » (aujourd'hui ou demain, l'autonomie, il y aura) ont été repris par les marcheurs qui ont dû disputer la chaussée aux automobilistes qui ont emprunté le même itinéraire. La police n'est pas intervenue, ni pour canaliser la marche ni pour l'empêcher. Une dizaine d'éléments des renseignements généraux ont toutefois suivi le déplacement des autonomistes du début jusqu'à la fin. Selon leur estimation, la marche a rassemblé 2000 personnes. Ce qui a caractérisé l'action populaire d'hier, c'est surtout la décision prise par les cadres du MAK de sortir de l'anonymat et de se présenter au public avec leur fonction au sein du mouvement. Ainsi, Baziz Aït Chebib, chargé de l'organique,a déclaré : « Je dois d'abord dire que j'ai été interpellé deux fois lors de la campagne électorale, mais je ne baisse pas les bras. Aujourd'hui, nous sommes satisfaits de la mobilisation formidable pour tamazight et l'autonomie. Les militants et les sympathisants du MAK ont confirmé que le mouvement est structuré ce qui démontre que l'autonomie est la seule alternative. » Ce 20 avril 2009 a propulsé le MAK aux devants de la scène avec une incroyable popularité et une étonnante mobilisation. L'année dernière, « la marche unitaire » à laquelle a appelé le RCD a drainé moins de la moitié du nombre de manifestants que hier. De même que le meeting et la marche du FFS du 2 avril dernier à Tizi Ouzou, qui ont rassemblé une maigre procession de militants. Serait-ce la carte politique en Kabylie qui se recompose ? La manifestation d'hier a été, en tout cas, celle de la base militante (des étudiants, des lycéens, des couples avec leurs enfants, des travailleurs) qui reste politisée et disposée à porter la contestation politique dans la rue. Les marcheurs se sont dispersés dans le calme à l'issue d'une manifestation colorée et ordonnée et à laquelle le leader du MAK, Ferhat M'Henni, n'a pas pris part « car un mandat d'amener a été lancé contre lui par un juge d'instruction du tribunal de Bouira », a expliqué un avocat, qui, toutefois, dit ignorer les charges retenues contre Ferhat. L'absence du leader du MAK a été jugée « politiquement non payante » par un jeune militant du mouvement. Lors de la prise de parole organisée avant que la foule ne se disperse, Mouloud Mebarki, secrétaire général du mouvement, a déclaré : « Cette marche est l'expression de notre reconnaissance pour le combat des générations de Kabyles (…) que ce soit en 1963 avec le FFS, en 1980 avec le MCB, en 2001 avec les archs et aujourd'hui avec le MAK ». Au-delà des lectures politiques que l'on peut faire, la marche d'hier a démontré au moins une chose : la Kabylie n'est pas si fatiguée qu'elle ne le laisse supposer.