Dans un récent courrier daté du 20 avril, dont une copie a été adressée à l'ambassade d'Algérie à Washington, le Comité pour la protection des journaliste (CPJ), la plus célèbre des ONG américaines dans le domaine de la protection de la liberté d'expression, proteste « contre la montée des violations de la liberté de la presse en Algérie, dont beaucoup se sont produites lors de la récente campagne électorale qui a abouti à votre réélection pour un troisième mandat ». Le CPJ précise, citant ses propres investigations, que les abus du pouvoir que dirige Bouteflika « ont commencé à s'aggraver en février 2006, suite à la publication d'un décret draconien restreignant la liberté d'expression et limitant le débat sur le conflit qui a ravagé l'Algérie dans les années 1990 ». A l'époque, le CPJ avait protesté contre cette disposition imposée par la présidence de la République qui, ajoute le courrier, « interdisait la poursuite des investigations sur les graves violations des droits humains perpétrés dans les années 1990, notamment les meurtres de dizaines de journalistes et la disparition d'au moins deux reporters ». L'appréciation du CPJ des retombées de cette mesure administrative est sans appel : « Ce décret a suscité une plus grande autocensure dans les médias algériens, a servi comme une nouvelle prescription pour le harcèlement et l'emprisonnement de journalistes critiques et a creusé le fossé entre les politiques en Algérie et les normes internationales en matière de liberté d'expression. » Pour argumenter leurs propos, les rédacteurs de la lettre adressée à Bouteflika rappellent tout un ensemble de décisions, de faits, de saisies de numéros de journaux étrangers, de tracasseries à propos de l'octroi de visas aux journalistes, l'interpellation de deux journalistes marocains et les procès intentés aux hommes de presse par lesquels les autorités algériennes se sont tristement distinguées pour abattre une véritable chape de plomb sur les médias algériens et, par conséquent, sur les libertés de la presse, d'expression et d'opinion pour permettre au Président de se succéder à lui-même alors qu'il n'avait aucun concurrent bénéficiant ne serait-ce que d'un semblant de crédit. En conclusion, la lettre signée par Joël Simon, directeur exécutif du CPJ, invite le président de la République à abroger le décret de 2006 et à mettre fin à toutes les démarches par lesquelles les autorités étouffent actuellement la liberté de la presse et d'expression. Cette lettre a d'ores et déjà trouvé écho auprès de l'International Freedom of Expression Community (IFEC), un immense réseau de plus de 80 organisations de journalistes réparties sur les cinq continents. En somme, l'image que s'est déjà composée Abdelaziz Bouteflika avec sa révision de la Constitution qui lui a permis d'arracher un nouveau mandat avec l'incroyable taux de 90% de voix, alors qu'il n'y avait aucun enjeu électoral, les autres prétendus candidats n'étant là que pour cautionner sa reconduction, subit un nouveau coup. Il ne reste désormais que l'alignement de Bouteflika parmi « les pires ennemis de la presse », ce qui ne saurait tarder avec le rythme de dégradation de la liberté d'expression en Algérie.