La grève des étudiants enclenchée par la Coordination locale des étudiants (CLE) entame sa troisième semaine. L'appel du rectorat pour un dialogue autour des problèmes posés n'a pas été entendu par les grévistes qui ont décidé de la continuité de leur mouvement de grève. Ainsi, depuis prés de 15 jours, les blocs d'enseignement et les accès aux deux campus d'Aboudaou et de Targa Ouzemour sont bloqués. A l'heure où nous mettons sous presse, c'est l'impasse. Le nœud de ce nouveau bras de fer qui oppose les étudiants de la CLE au rectorat est «l'exclusion de plusieurs étudiants de la résidence Berchiche 3 d'El Kseur et l'exclusion d'un étudiant lors des inscriptions au master (langue tamazight)». Dans une déclaration rendue publique, la coordination locale des étudiants écrit que ce mouvement a été enclenché «pour exiger la réintégration de tous les étudiants privés arbitrairement de leur droit d'accès au master (Département tamazight). Aussi, la CLE dénonce le climat de terreur instauré par une administration autoritaire au niveau des résidences et des campus universitaires. Les étudiants de Béjaïa exigent l'arrêt immédiat de la violence visant à étouffer toute voix militante et revendicative (L'exclusion des militants associatifs et syndicalistes de Berchiche …)». A travers ces exclusions, la CLE soupçonne une «tentative d'embrigadement des résidences afin de détruire les structures représentatives». D'autres doléances se sont greffées à la plateforme de revendication des étudiants à l'exemple de l'amélioration des conditions sociopédagogiques «dégradées», suite aux restrictions budgétaires selon les grévistes, et l'interdiction des manifestations culturelles et les restrictions des libertés des organisations. Dans un communiqué affiché par l'administration, un démenti a été apporté concernant «l'exclusion d'étudiants en droit de s'inscrire en master». Selon ce document «l'université rappelle à toute la communauté universitaire que tous les étudiants titulaires du diplôme de licence session 2018 délivré par l'université de Béjaïa et ayant formulé leurs demandes d'inscription en master dans les délais ont été tous inscrits», avant d'appeler les grévistes «à reprendre rapidement leurs cours et les invite à privilégier les voix du dialogue et de concertation». De leur côté, les étudiants rechignent et exigent la satisfaction de toutes les revendications. Par ailleurs, ils dénoncent «l'agression» des étudiants grévistes «par les agents de sécurité au niveau des campus de Targa Ouzemour et d'Aboudaou qui sont intervenus pour empêcher les grévistes de placer les banderoles». Mercredi dernier, un conseil de l'administration élargi s'est tenu pour débattre de la situation de blocage que connaît l'université et tenter de trouver des réponses aux préoccupations de la CLE. Les démentis du rectorat Cette rencontre a été marquée par l'absence des représentants de la CLE selon le rectorat qui a lancé deux appels au dialogue depuis le début du mouvement de grève. Les réponses du rectorat sont une somme de rappels de la réglementation et de démentis. Sur les autres revendications qui sortent d'une liste de 17 points, et qui concernent la poursuite judiciaire à l'encontre des étudiants activistes, le rectorat dément «le fait que l'université a engagé des poursuites judiciaires à l'encontre des étudiants» et réfute également des cas établis de «violation des franchises universitaires», tel qu'il est dénoncé par la CLE. Dans le même contexte, l'université explique que ses agents de sécurité accusés de «comportement autoritaire» ne font que «protéger les personnes et les biens de l'université». Concernant l'exclusion de résidants au niveau des œuvres sociales, cette dernière a affirmé, selon le rectorat «qu'aucun résident n'a été exclu des services des œuvres sociales». S'agissant du droit d'organisation des activités associatives, l'administration atteste que «la réglementation permet aux étudiants de s'organiser en association. Toutes ces associations agréées activent librement au sein de l'université, dans le respect de leurs statuts, et sont même accompagnés par les structures de l'université». La CLE a demandé la levée du gel sur certaines spécialités. Sur ce point, l'administration rétorque qu' «aucune spécialité n'a été gelée pour l'exercice 2018-2019 et contrairement à cela, huit nouvelles spécialités ont été ouvertes». Les étudiants veulent aussi «la prise en charge financière des stages pratiques». Sur ce point, le rectorat répond que «l'université dispose ce la cagnotte de 65 millions de dinars pour la rémunération des stages programmés officiellement». Quant à la qualité de l'encadrement pédagogique, ce dernier estime que «le taux d'encadrement pédagogique est conforme à la norme nationale et elle est renforcée chaque année. Quant aux sorties pédagogiques, elle relève de la compétence des équipes de formation». Aussi, la CLE a exigé la dotation en moyens matériels des laboratoires de recherche. Mais ce point est évoqué comme une source de fierté des responsables de l'université de Béjaïa qui affirment que «l'université compte 35 laboratoires dont la performance et les activités de recherche ont valu la première place au niveau national. Ces entités, ajoute le communiqué du conseil d'administration, sont dotées régulièrement d'un budget de fonctionnement et d'équipement». Sur les questions relatives au «versement de la bourse dans les délais» et à «l'amélioration des conditions sociales au sein des résidences», le rectorat renvoie tout simplement la CLE à la direction des œuvres universitaires, seule capable de donner des réponses sur son terrain de compétence. Le conseil de la direction regrette en conclusion «la perte de temps pédagogique causée par le blocage des deux campus universitaires qu'aucune raison ne peut justifier». Il ne se passe pas une année où l'université de Béjaïa n'est pas secouée par une grève de longue durée qui place étudiants, enseignants et administration en zone de turbulence. Ces dix dernières années, elle a connu plusieurs grèves, dont certaines sont liées aux exclusions, à l'exemple de celle de 2014 où la CLE a demandé la réintégration de 600 étudiants exclus du système universitaire à cause de leurs résultats. En 2007, une sérieuse levée de boucliers contre le système LMD a été observée.