La crise argentine avait on se souvient drainé des foules sur des kilomètres devant les guichets bancaires, c'était la panique générale, elle passait pour être l'exception. Comment dans un pays comme la Grande-Bretagne dont le modèle de supervision s'internationalise de plus en plus en raison du décloisonnement qu'il a opéré entre les autorités financières (Banque, bourse, assurance) en les regroupant au sein d'un seul et unique organe, des scènes pareilles sont rendues possibles alors qu'il n' y avait apparemment aucun lien avec la crise immobilière américaine. La Northern Rock, c'est de cette banque qu'il s'agit par qui le scandale est arrivé, a simplement subie une crise de liquidités consécutive au déclenchement de la crise des ” subprimes ” aux Etats Unis. La mécanique est certes complexe mais facile à comprendre lorsqu'on sait que les Banques se prêtent entre elles en se donnant en garantie des créances commerciales, mais comme plus personne ne sait de quoi sont faites ces créances qu'on cède en toute bonne conscience, les banques sont devenues suspicieuses et n'acceptent de se refinancer entre elles qu'au jour le jour, ce qui provoque des crises de liquidités. La Northern Rock, comme toutes les banques, a bâti sa croissance sur de l'argent qu'elle n'avait pas, empruntant sur les marchés les fonds qu'elle prêtait à ses clients. Pour satisfaire aux exigences prudentielles, c'est à dire entre autre respecter le ratio exigé (Solvabilité) entre ses fonds propres et ses engagements, elle revendait ses créances sur le marché financier, technique pour alléger son bilan. Parmi ses clients, on trouve des investisseurs professionnels, mais aussi ces personnes qui font aujourd'hui la queue à ses guichets. En principe, il n'y avait aucun risque. Gagées sur des propriétés dont le prix se renchérissait de mois en mois, les créances avaient toutes les chances d'être remboursées. Mais la crise venue de la lointaine Amérique a fait grimper les taux d'intérêt des prêts entre banques et rongée en quelques semaines la rentabilité de la Northern Rock. Profits en baisse, chute du cours de son action, doutes sur sa solvabilité… La banque s'est, en quelques jours, trouvée dans une impasse qui l'a conduite à frapper à la porte de la Banque d'Angleterre. Un effet de contagion s'en est suivi et c'est ainsi que d'autres établissements de crédit hypothécaire subissaient d'importants retraits par les épargnants, craignant pour leur argent. Mais comme un malheur n'arrive jamais seul, le gouverneur de la Banque d'Angleterre, venait de déclarer qu'il n'engagerait pas la Banque centrale dans le sauvetage d'une Banque en difficulté, sauf s'il y avait un risque systémique. Le principe du ” too big to fail ” (trop grand pour tomber) a quand même survécu au mépris des nouvelles règles de Bâle II. Et à la surprise générale, Il a néanmoins accepté, de prêter de l'argent à la Northern Rock. Au-delà de la crédibilité de la Banque d'Angleterre entachée par ce virage à 180 degrés, la décision prise a été improductive puisque contre toute attente, elle a plongé le marché dans l'inquiétude et accentuée la panique devant les guichets. Cette situation inattendue a poussé le Ministre des finances anglais à déclarer qu'il garantissait les économies de tous les épargnants de la banque et de tout établissement qui se trouverait dans une position semblable. Avec cette annonce du Gouvernement, les files d'attente commençaient à se raccourcir. L'engagement pris par les autorités de garantir intégralement les dépôts jusqu'à 2900 livres et 90 % des dépôts jusqu'à 35 000 livres va au-delà du mécanisme de garantie des dépôts en vigueur en Grande Bretagne. En dépit de tous les moyens dont dispose la Grande Bretagne pour la prévention des débâcles bancaires, la supervision n'a pas été d'un grand secours. La sonnette d'alarme n'a pas été tirée à temps et comme toujours, ce sont les petits épargnants qui paient le prix fort. La confiance a été sérieusement ébranlée, il faut la reconstruire mais certainement pas avec les mêmes acteurs. C'est ce qu'on laissait entendre les autorités anglaises. Le modèle de la FSA (Financial Services Authority) anglais donné en exemple dans le monde n'est donc pas aussi efficient qu'on le croyait. Entre le cloisonnement (une autorité par secteur) et le décloisonnement (une autorité pour les trois secteurs) des autorités financières, il y a de la place pour la communication. C'est ce qui a peut être le plus manqué et c'est ce qui rend impopulaire les crises bancaires.