D'un côté les hyènes, féroces et pointues, qui sortent de chez le dentiste et attendent pour s'attaquer à la proie que le lion soit repu ou attrape une indigestion par excès de mayonnaise. De l'autre, des gnous très mous discutent du championnat national en faisant semblant de n'avoir rien vu. Caché sous un rocher non déclaré, un serpent de kasma entame d'interminables conversations sur un portable pour se faire une place au soleil. A l'autre bout, un éléphant parkinsonien est endormi derrière son bureau d'ivoire et attend les ordres par fax. Derrière des arbres d'importation, un groupe de zèbres délavés tente en vain de fomenter un complot carnivore. Un guépard passe en Ferrari décapotable, musique raï à fond, c'est le fils d'un vieux guépard qui a grimpé dans la hiérarchie grâce à un faux dossier d'ancien prédateur. Dans des trous LSP aménagés, des chiens de prairie, perpétuellement inquiets, n'ont pas réussi à flasher leur démo et sont paralysés devant leur télévision, observant le dernier JT mensonger sur la situation de la savane. Au fond de la prairie, objet de litiges meurtriers entre léopards du foncier, quelques moutons broutent sans rien dire des buissons frelatés, l'œil aux aguets, car quand quelqu'un a faim dans le coin, c'est souvent eux qui servent de dîner. Dans la montagne, quelques tigres rechapés, fatigués, boivent sans discontinuer dans un lac à bière. En bas, quelques gazelles font les boutiques, sous les insultes sexistes d'un groupe de pumas émasculés par l'abus d'herbes folles. Dans l'eau, un castor désespéré tente de construire un pont mais il n'y a plus de bois. De quoi s'agit-il ? De rien. De la vie, biologique, celle d'animaux confrontés à la survie dans l'exercice de leurs fonctions. Toute ressemblance avec une situation ou un pays particulier n'est que pure coïncidence ou affabulation passible des tribunaux.