Le gouvernement français a reculé hier face à la contestation des «gilets jaunes». Après un bras de fer qui a duré plus de trois semaines, Edouard Philippe a annoncé le gel des hausses des tarifs de l'électricité et des taxes sur les carburants, mais aussi suspendu le durcissement du contrôle technique automobile. Le Premier ministre a aussi annoncé un moratoire de six mois de la hausse de la fiscalité sur le gazole entrepreneur non routier. «Aucune taxe ne mérite de mettre en danger l'unité de la nation», a-t-il déclaré. Il a ajouté dans un post sur son compte Twitter : «Il faudrait être sourd et aveugle pour ne pas voir ni entendre cette colère. Je l'entends et j'en mesure la réalité, la force et la gravité. C'est la colère de la France qui travaille dur et qui peine à joindre les deux bouts.» Son ministre de l'Ecologie, François de Rugy, a renchéri : «Le geste fort annoncé par le Premier ministre doit permettre de créer les conditions d'un dialogue et d'un arrêt des manifestations. Les problèmes de fond – niveau de vie, impôts, aspiration à une démocratie plus directe, défi énergie-climat – seront débattus et traités.» Malgré cette petite victoire, les «gilets jaunes» ne crient pas leur joie dans la rue. Bien au contraire, une porte-parole a jugé le «moratoire sur les taxes insuffisant», ajoutant que «c'est la preuve que lorsqu'il y a de la volonté politique, on peut écouter le peuple. Maintenant, les Français ne veulent pas des miettes, ils veulent la baguette au complet». «Tout ça pour ça», ont réagi d'autres «gilets jaunes» qui désormais demandent plus. A savoir une nouvelle répartition des richesses en France, la mise en place de la proportionnelle aux législatives et l'instauration de référendums réguliers sur les grands enjeux sociétaux pour pallier le «manque de représentativité politique». Demande d'abandon définitif des taxes Des exigences éminemment politiques et qui indiquent qu'une partie des contestataires appartiendraient au Rassemblement national de Marine Le Pen. Selon des chiffres non officiels, le coût des mesures prises par Edouard Philippe se chiffrerait à environ deux milliards d'euros, mais pour le Premier ministre, l'unité et la sécurité de la nation n'ont pas de prix. Alors que d'autres manifestations semblent se préparer pour samedi prochain, de nouvelles mesures de sécurité ont été prises hier par le préfet de police de Paris. A commencer par le report du match du PSG qui devait recevoir le club de Montpellier. La marche en faveur de la COP24, qui se déroule actuellement en Pologne, a été également annulée afin d'éviter l'agrégation de la contestation. Prenant acte de la reculade du gouvernement, les «gilets jaunes» ne semblent pas totalement satisfaits des propositions d'Edouard Philippe. Ils demandent l'abandon définitif de ces taxes, au risque de continuer leur mouvement. Lundi, le Premier ministre a reçu dans un geste d'apaisement les représentants des partis de l'opposition française. Il devait continuer les négociations en rencontrant les représentants des «gilets jaunes». Mais au final, personne n'a pu se rendre à l'hôtel Matignon de peur de représailles et de menaces proférées par d'autres membres du collectif à leur égard. Fin de la contestation ou non ? Selon certains observateurs, les annonces du gouvernement sont arrivées un peu tard. Ils craignent que le mouvement de contestation continue et s'élargisse à d'autres couches sociales, comme les étudiants et les lycéens qui bloquent déjà depuis trois jours près d'une centaine d'établissements dans toute la France. Plus que cela, les agriculteurs veulent eux aussi entrer en scène et organiser un mouvement de contestation pour dénoncer leurs conditions de travail et les marges faibles qu'ils perçoivent comparées à celles engrangées par la grande distribution. Devant l'actualité qui s'accélère, Emmanuel Macron est resté muet. Pas une déclaration sur ce qui se passe en France. Finira-t-il par dire un mot ?