Les élections générales qui se tiennent aujourd'hui vont donner de l'Irak l'image qu'il s'est gardé d'afficher depuis sa création. C'est la montée et pas seulement l'émergence du communautarisme. Longtemps cantonnés par Saddam Hussein dans le nord du pays, les Kurdes ne veulent pas être les éternels exclus, même s'ils doivent revoir à la baisse leurs ambitions pour ne pas s'attirer les foudres des voisins, en fait la Turquie qui refuse de voir l'émergence d'un Etat kurde indépendant. Ils affichent désormais leur volonté de partager le pouvoir central avec les autres communautés et, à terme, d'avoir un Irak fédéral. Sous l'ancien régime, il aurait été impensable qu'un Kurde fier de son ethnie tienne le poste de vice-Premier ministre. Aujourd'hui, Barham Saleh a cette charge, même si l'on s'accorde sur le côté éphémère de cette désignation. Autrement dit, le paysage politique de l'Irak est loin d'être dévoilé, en supposant qu'il soit réellement pensé et définitivement envisagé. « Nous parlons d'un nouveau contrat politique et social en Irak. Nous ne pouvons pas permettre huit nouvelles décennies de discrimination et de nettoyage ethnique », dit M. Saleh, de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK de Jalal Talabani), l'un des deux grands partis kurdes. « Si l'Irak revient vers la dictature et le nettoyage ethnique, je pense que la majorité des Kurdes ne se sentiraient pas en sécurité dans un tel pays », insiste-t-il, en référence aux campagnes de gazage et d'assassinats que Saddam Hussein a lancées contre les Kurdes. M. Saleh tient à expliquer que les Kurdes se veulent citoyens irakiens, tout en préservant leur identité. « S'ils (les Arabes majoritaires) veulent que nous soyons Irakiens, nous devons être traités comme des citoyens à part entihre et non de seconde zone. Ces jours-là sont révolus », lance-t-il. Il revendique un Irak fédéral, un principe déjà consacré par la loi fondamentale, un texte au demeurant loin de faire l'unanimité, selon des autres groupes ethniques, qui doit régir le pays jusqu'à l'élaboration d'une Constitution, et reste circonspect face à la coalition dirigée par les Etats-Unis. Mais les dirigeants de l'UPK, comme ceux du PDK (Parti démocratique du Kurdistan de Massoud Barzani), l'autre grand parti kurde, jouent quand même le nouveau jeu politique à Baghdad. A l'approche des élections du 30 janvier, les dirigeants kurdes ont ramené sur la table la question de la ville multiethnique de Kirkouk, fortement arabisée par le précédent régime. « Kirkouk est une partie du Kurdistan. Nous avons de nombreux documents historiques et démographiques qui le prouvent », assure M. Saleh qui veut que les territoires perdus soient réincorporés dans les prochaines années et d'une manière légale au Kurdistan. Malgré leur poids, et même leur force militaire, les Kurdes sauf s'ils envisagent un coup de force, ce qui apparaît du reste comme hautement improbable au regard des pressions visant à les en dissuader à l'avance, les Kurdes savent qu'ils doivent eux-mêmes poser des limites à leurs revendications identitaires. Mais accepteront-ils alors un traitement ordinaire, car l'autonomie ils la connaissent surtout depuis 1991 quand leur région a été soustraite par les Etats-Unis aux autorités centrales ?