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« Il est temps de reconnaître les droits des victimes »
Patrice Bouveret. Président de l'Observatoire des armements
Publié dans El Watan le 23 - 05 - 2009

Patrice Bouveret, président de l'Observatoire des armements, dont le siège est à Lyon, également coprésident du comité Vérité Justice, affirme, plus de 40 ans après les essais nucléaires français au Sahara algérien et en Polynésie, qu'il est temps et urgent de reconnaître les droits des victimes ; plusieurs d'entre elles sont déjà décédées.
Le gouvernement français va déposer, dans les prochains jours, un projet de loi sur la réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires au Sahara algérien et en Polynésie. C'est ce que vous attendiez ?
Le ministre de la Défense, Hervé Morin, a annoncé cette loi en deux fois, la première fois en novembre 2008. Lorsque, pour notre part, nous avons réussi à obtenir des députés, toutes sensibilités politiques confondues, le principe d'un projet de loi commun et qu'un député avait utilisé la niche parlementaire, Mme Taubira, cela a amené le ministre de la Défense à annoncer qu'il allait déposer un projet de loi et le présenter publiquement en février dernier.
Les termes de ce projet de loi vous conviennent-ils ?
Non. Lors de la présentation du projet de loi à la presse, le ministre a eu un discours ambigu, à la fois généreux et limitatif, puisque dans son préambule de présentation du texte, il estime que seules quelques centaines de personnes sont concernées. Par ailleurs, le texte donne l'essentiel du pouvoir de décision au ministre de la Défense pour indemniser les personnes concernées. C'est le point central de critique que nous formulons vis-à-vis du texte. C'est le ministre de la Défense qui décide de la détermination des zones géographiques concernées, de la liste des maladies indemnisables. Les 18 maladies de l'Unscaar (organisme des Nations unies) sur lesquelles le projet de loi du ministre Hervé Morin s'appuie sont des cancers. Or, tout le monde sait qu'il n'y a pas que des cancers. De plus, dans la liste de l'Unscaar, tous les cancers concernés ne sont pas mentionnés. Le seul avantage de cette liste de l'Unscaar est qu'elle est évolutive. Il faudra ensuite que le décret d'application de la loi française intègre les évolutions de cette législation. Mais, comme au niveau international, les évolutions sont extrêmement lentes à être adoptées, cela peut prendre des années. En attendant, des gens meurent. Le projet de loi stipule la mise en place d'un comité d'indemnisation qui dépendra du ministre de la Défense composé d'un magistrat et de médecins qui seront chargés d'estimer si la personne a eu une dose suffisante de radioactivité méritant indemnisation. Et, au final, c'est le ministre de la Défense qui décide qui peut être indemnisé ou pas. Sur quels critères, on n'en sait rien. Le ministre de la Défense parle de quelques centaines de personnes qui seront indemnisées, alors que l'on sait que ce sont plusieurs dizaines de milliers de personnes au minimum qui sont concernées. Les enfants pourront en tant qu'ayant droit, si leur père est décédé, réclamer l'indemnisation qu'il aurait eu s'il était resté en vie. Nous, nous constatons que des enfants sont malades et que les médecins n'expliquent pas autrement leurs maladies que par ce fait-là.
Le ministre n'a-t-il pas tenu compte de vos préconisations ?
Le ministre n'a pas tenu compte non seulement de nos préconisations, ni même de celles des députés qui avaient déposé des propositions de loi, ni même de celles du médiateur de la République qui rejoignaient nos propositions : un fonds d'indemnisation indépendant.
Que demandez-vous au juste ?
La première chose que nous demandons, c'est que le ministre de la Défense ne soit pas juge et partie, c'est-à-dire que la vérification qu'une personne a droit à une indemnisation puisse dépendre d'un organisme indépendant, paritaire, intégrant des représentants de l'Etat, des scientifiques et des experts, mais aussi des représentants des associations et des parlementaires. Il me semble qu'au ministère de la Défense où se trouve un fort lobby nucléaire, l'on craigne que cette loi ouvre une brèche pour tous les gens qui sont dans le nucléaire, militaire et civil, et décrédibilise en quelque sorte le nucléaire, comme si le fait de prendre en compte la santé des gens allait décrédibiliser le nucléaire aux yeux de l'opinion publique, au contraire.
Il y a aussi l'affirmation d'essais propres, strictement contrôlés ?
Il y a une façon de minimiser le phénomène. Le ministre, lors de sa conférence de presse, a dit très clairement que tous les essais sont propres sauf peut-être quatre en Algérie qui pourraient poser des problèmes et une dizaine en Polynésie sur 210 essais.
Cette volonté de minimisation est-elle induite par le coût financier des indemnisations ?
Par rapport au budget militaire, c'est une somme insignifiante. C'est plutôt de reconnaître qu'il y a eu des erreurs en termes de responsabilité et de crédibilité de la force du nucléaire. Si l'on commence à dire que c'est dangereux, cela déstabiliserait tout l'investissement français dans le nucléaire. En effet, la France fait reposer sa défense sur le nucléaire militaire. L'énergie nucléaire occupe aussi une place importante dans l'économie nationale, à la fois pour ce qui est de la production et des exportations. Pour les populations, ce n'est pas le numéro vert mis à disposition par le ministère de la Défense qui peut être efficace. Un numéro vert est national et donc non accessible de l'étranger. Je ne vois pas comment un habitant de Polynésie ou d'Algérie pourrait s'en saisir.
Comment l'AVEN a été amenée à se constituer et à se saisir de ce dossier ?
Cela a commencé par l'Observatoire des armements/CDRPC (Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits) qui a entrepris dès les années 1990 à travailler sur cette question à partir de témoignages recueillis en Polynésie. Nous avons été alertés par des gens qui, sur place, constataient des maladies à un nombre anormal par rapport à la population. C'est à partir de cela que nous avons commencé à recueillir des témoignages, à faire des recherches pour comprendre, à publier des ouvrages. Les associations ne posent pas que le problème des personnels qui ont participé aux essais, mais de l'ensemble des victimes.
De par vos travaux et recherches, quelle évaluation faites-vous des essais au Sahara algérien et leurs conséquences sur les populations et l'environnement ? Que retenez-vous ?
Ce qu'on peut retenir, nous, pour être allés en février 2007 sur les sites des essais à la faveur du colloque international organisé par le gouvernement algérien, c'est plus que de la négligence.
De la part des autorités algériennes ou françaises ?
De la part des autorités françaises, d'abord. Si l'on se replace dans le contexte de l'époque, le général de Gaulle voulait absolument la bombe très vite, donc au mépris d'un certain nombre de mesures de sécurité. L'objectif politique avait été priorisé sur la sécurité des gens et des populations. A leur départ, les Français ont creusé des trous et ont tout enfoui dedans, sans prévenir les populations du danger, sans mettre des barrières autour des sites pour empêcher que les gens aillent récupérer les matériels contaminés. C'est là une responsabilité française énorme. Les Français auraient dû faire nettoyer les sites avant de les abandonner, sécuriser les sites où il y a eu les plus forts taux de radioactivité et mettre en place un suivi sanitaire pour les populations. Ce qui n'a pas été fait, qui n'est pas encore fait. Des malades auraient pu être soignés, d'autres auraient sans doute disparu moins rapidement s'ils avaient été soignés comme il faut ou seraient morts dans des douleurs et des souffrances moins importantes aussi. Des experts de notre groupe ont procédé à des tests de radioactivité, en février 2007. Douze heures sur le site d'In Ekker équivaut à un an de radioactivité admissible, acceptable. C'est énorme. Ces essais se sont produits dans le désert et le sable a absorbé des résidus radioactifs qui se déplacent avec le vent. Cela veut dire qu'il y a un taux de radioactivité qui est encore fort et que les gens ne doivent pas pouvoir accéder aux sites.
Le périmètre contaminé est-il important ?
Il est important surtout sur Reggane. Sur In Ekker, il y a une barrière, mais qui est cassée en différents endroits. Une barrière, il faut la surveiller, l'entretenir. Sur Reggane, il n'y avait aucune barrière à notre passage.
Avez-vous une idée du nombre de personnes qui auraient été contaminées ?
C'est toute la difficulté de la radioactivité. Il y a des personnes fortement irradiées quand il y a des explosions, mais il y a tout le problème des faibles doses, ne sont-elles pas, elles-mêmes, la cause de maladies. Elles sont une espèce de sur-risque qui vient se porter sur une fragilité que nous avons tous. Pour mesurer ces contaminations, c'est extrêmement difficile, car les maladies se déclenchent 30 à 40 ans après.
Comment l'identification des personnes pourrait-elle se faire de manière pratique et concrète ?
Ce que nous demandons et proposons, c'est ce qui a été adopté par les Etats-Unis ou le Royaume-Uni, soit d'établir une liste de maladies radio-induites déterminées avec la communauté internationale. Chaque fois qu'il y a eu un essai, des mesures ont été prises. Donc, on sait les doses retombées sur les zones et à quels endroits. Pour les essais atmosphériques, les retombées peuvent être très éloignées des lieux de tir. Tous ces éléments doivent être remis à une commission scientifique d'experts.
Avez-vous rencontré des experts algériens qui travaillent sur ce dossier ?
Le colloque de 2007 a été organisé avec le chercheur Ammar Mansouri et d'autres experts. Bruno Barillot, cofondateur de l'Observatoire des armements/CDRPC est retourné à Reggane en novembre 2007 avec des scientifiques algériens.
Y a-t-il des liens, voire une coopération entre vétérans français et algériens ?
Une association de vétérans algériens a été mise en place et, à notre connaissance, elle n'a pas encore reçu son agrément des autorités algériennes. C'est un peu dommage, car cela rend un peu plus difficile les échanges. Nous avons aussi des échanges directement avec des Algériens, en Algérie, qui ont participé aux essais. Bien sûr, c'est plus difficile, dans le sens où ils ne sont pas équipés d'internet, où ils sont moins habitués à réclamer. Cela n'a pas toujours été évident d'aller aussi en Algérie, d'abord pour des raisons financières. Nos associations n'ont pas de moyens importants. On a eu aussi des difficultés à obtenir des visas pour les Algériens, chaque fois qu'on a organisé des manifestations en France et qu'on voulait inviter des Algériens, dont Mohamed Bendjebbar, président de l'Association des vétérans algériens (qui avait participé à la fermeture des sites), ils recevaient leur visa le lendemain ou le surlendemain de ce qu'on avait prévu, ils recevaient leur visa, bien évidemment, mais en retard. Il faudrait que les victimes algériennes puissent se regrouper, être soutenues par d'autres structures de la société algérienne de façon à ce que le gouvernement algérien prenne en compte en tant que tel le problème et pas simplement comme moyen de pression dans les négociations avec la France, car il y a un véritable problème de santé et d'environnement et sur lequel la France a un rôle à jouer en lien avec le gouvernement algérien. La France peut apporter une aide à l'Algérie, mais elle ne peut le faire qu'en accord avec le gouvernement algérien
Un groupe d'experts a été mis en place par les deux gouvernements fin 2007...
Il y a effectivement un travail officiel entre experts du gouvernement algérien et du gouvernement français chargés d'évaluer les risques et les dangers qui restent encore et de faire des propositions. Nous attendons les résultats de ce travail. C'est une question qui nous paraît importante, d'autant que l'Algérie veut négocier un réacteur de recherche au niveau nucléaire, il faut d'abord que le passé soit pris en compte.
Comment expliquez-vous que l'Algérie ne se soit pas saisi plus tôt de ce dossier d'essais nucléaires au Sahara ?
Il y a plusieurs facteurs. Je pense qu'au niveau de l'Etat algérien, on s'est servi de cette question plus au niveau politique dans le cadre des négociations globales avec la France et que c'était un point parmi d'autres des conséquences des méfaits du colonialisme. Et le gouvernement ne l'a pas traité de manière spécifique en tant que risque pour ses populations, pensant que cela ne constituait pas un problème.


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